Kill all enemies

Kill all enemies
Melvin Burgess
Gallimard jeunesse (scripto), 2012

Metallica comme un havre de paix

Par Anne-Marie Mercier

C’est d’abord Billie qui prend la parole. Le lecteur francophone met un peu de temps à comprendre que ce personnage violent est une fille. En décrochage scolaire, placée en foyer, elle vit sa dernière chance avant le centre fermé pour adolescents. Puis c’est au tour de Rob, un garçon un peu trop enveloppé, qui adore sa mère, est martyrisée par son beau-père et par les autres élèves de son collège. Il n’a qu’une passion dans la vie, la musique « metal ». Chris à une vie plus normale, il vit avec un père et une mère aimants et soucieux de son avenir mais il refuse depuis plusieurs années de rendre des devoirs écrits. Ces trois adolescents en échec scolaire vivent tout au long du roman des événements de plus en plus graves qui les conduisent à se retrouver ensemble dans un centre ouvert pour adolescents difficiles. A ces points de vue alternés qui se succèdent d’un chapitre à l’autre s’ajoute celui d’une éducatrice qui suit Billie depuis longtemps; sa perspicacité lui permet de comprendre ce que vivent les deux garçons alors que leur entourage est aveugle. D’abord ennemis, les trois adolescents s’unissent enfin pour un happy end dans lequel la musique « metal » joue un grand rôle, celle du groupe dont le nom a donné le titre du livre.

Melvin Burgess, connu pour ses romans qui dépeignent de façon crue les excès adolescents, a enquêté dans un centre pour élèves délinquants exclus de leurs établissements scolaires (voir son blog) et il propose une vision de l’école assez manichéenne : le collège des trois adolescents est incapable de les prendre en charge, méconnaît totalement la situation familiale dans laquelle ils se trouvent, ou, dans le cas de Chris, ne peut pas diagnostiquer la raison de son refus de l’écrit. À l’inverse, les éducateurs du centre sont présentés comme des professionnels dévoués, soucieux de rester des professionnels tout en développant pour ces enfants perdus une réelle affection.Sur son site, l’auteur explique qu’il a découvert dans cette enquête que ces adolescents n’étaient pas des losers mais des héros : ils ont d’autres soucis que ceux de l’école, des soucis graves, et sont pénalisés pour cela au lieu d’être aidés.

Entre violences scolaires et violences familiales – aussi bien psychiques que physiques – les personnages se débattent et se battent, ou sont battus. Ils sont des êtres désemparés qui s’accrochent à la moindre lueur d’espoir. Le paradoxe est que c’est un groupe de musique « métal » qui s’avérera être un lieu de douceur, de respect et de courtoisie. Le roman est un puzzle qui se construit peu à peu, entre terreur et errance, c’est un tableau dur et bouleversant d’adolescents en crise, malmenés par la vie.

 

 

Les Rebelles de St Daniel (2) : Ismaël part en live

Les Rebelles de St Daniel (2) : Ismaël part en live
Michael Gerard Bauer
La joie de lire, 2012

Amour, foot et poésie

Par Anne-Marie Mercier

On retrouve avec plaisir l’univers d’Ismaël (voir la recension du premier volume), adolescent maladroit, malchanceux et mal à l’aise, et de ses amis tous un peu bizarres, Razza extraverti et vulgaire, Ignatius le matheux, Bill le timide, Scobie agité de tics et génial. On retrouve également le concours d’éloquence (qu’ils avaient gagné dans le premier volume contre toute attente et auquel ils échouent cette fois lamentablement) et l’éternelle confrontation avec la bande de la brute du collège.

Mais il y a aussi de la variation qui rend ce volume différent, heureusement : la brute se trouve confrontée à elle-même par l’intervention d’un psychologue, Ismaël tente de conquérir la belle Kelly par le seul charme de la parole et subit de lourds échecs avant de faire quelques progrès et suivre le conseil majeur (« être soi même »), il découvre aussi que ses enseignants  et même le proviseur sont des êtres humains capables de le surprendre et que son père peut redevenir une star du rock.

Enfin, le clou du récit et ce qui en fait le moteur, est le cours de poésie de la professeure d’anglais (qui serait celle de français chez nous) qui arrive à les convaincre encore une fois de la force du verbe et de la nécessité d’en user avec finesse et tact, même dans la vie quotidienne – et parfois pour séduire, comme Shakespeare. On peut ajouter un autre morceau de bravoure autour du football, avec le débat qui tourne autour des bienfaits ou méfaits de cette passion lors du concours d’éloquence et la démonstration par le récit d’un match épique où l’un des joueurs démontre qu’on peut jouer bien en faisant semblant de jouer mal et tout faire pour éviter de perdre sans pour autant vouloir gagner. De la philosophie en action, donc, pleine de moments cocasses racontés à travers le prisme comique de la perpétuelle inquiétude du héros.

 

 

L’étonnante disparition de mon cousin Salim

L’Etonnante Disparition de mon cousin Salim
Siobhan Dowd
Traduit (anglais) par Catherine Gibert
Gallimard jeunesse (folio junior), 2012

Autiste détective

Par Anne-Marie Mercier

Publié pour la première fois en français en 2009, ce roman fait penser très fortement au Bizarre incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon, publié en 2004, qui a connu un grand succès et a été beaucoup exploité par les enseignants et tous ceux qui cherchaient à développer la compréhension et la tolérance vis-à-vis des enfants handicapés (voir un article sur ce livre paru dans Repères)

Dans les deux cas il s’agit d’une enquête policière menée par un jeune autiste. Si le héros de Haddon, Christopher, atteint du syndrome d’Asperger, était à sa façon un génie, celui de Siobhan Dowd est plus intégré. Il a une sœur, deux parents, va au collège (et y est malheureux). Mais, comme Christopher, il a des manies (la météo), des gestes incontrôlés, des difficultés à comprendre les émotions des autres et à les partager. L’intrigue policière est ici plus développée, autour d’un événement plus dramatique, une disparition d’adolescent. L’évocation de l’angoisse de la famille et de l’appareil policier et médiatique qui se met en place crée de vrais moments d’angoisse. Le texte, bien traduit, rend bien les raisonnements de Ted et ses difficultés de langage et d’adaptation. Le duo qu’il forme avec sa sœur est parfois comique et crée des pauses qui allègent le récit.

C’est une belle façon de faire entrer les jeunes lecteurs dans une pensée différente. Le désir de Ted d’avoir des amis autres que ses parents et son éducateur est émouvant et fait comprendre, au-delà du  problème de l’autisme, le drame des adolescents en mal de communication.

Siobhan Dowd est décédée prématurément mais est présente dans l’actualité littéraire par la parution d’un très beau livre de Patrick Ness, Quelques minutes après minuit, sur une idée de roman qu’elle n’a pas pu achever (voir notre chronique parue le mois denier).

Le Secret d’Iona

Le Secret d’Iona
Gil Lewis
Gallimard (folio junior), 2011

Pour l’amour des oiseaux

Par Anne-Marie Mercier

La jeune Iona passe comme un éclair dans la vie du jeune narrateur (11 ans), mais elle détermine sa vie et ses choix : tournant le dos à ses copains, aux exploits en vélo ou à la pêche, il fait un bout de chemin avec celle que tous rejettent et il arrive à partager son secret : un nid qui prouve le retour d’un oiseau d’une espèce quasi disparue en terres écossaises, le balbuzard.

Si la première partie est guidée par la rencontre avec Iona, rencontre qui se termine tragiquement, la seconde suit le parcours d’Iris, la femelle balbuzard, jusqu’en Afrique : le garçon la suit grâce à une bague et à google earth, il tient son journal et l’on voit parfois à travers les yeux d’Iris. Tout cela mène à une autre rencontre, celle de la jeune africaine handicapée Jeneba, et à une belle histoire de solidarité.

Le roman mêle des préoccupations écologiques, sociologiques, humanitaires à la description de la vie quotidienne en Ecosse sans tomber dans l’artifice. Les personnages sont attachants et pittoresques, à peine stéréotypés (juste ce qu’il faut pour la couleur locale), comme les décors. Les événements s’enchaînent naturellement, en maintenant cependant plusieurs suspens. L’ensemble est un roman tout à fait réussi, plein de bons sentiments sans être mièvre, et émouvant.

La cabane au fond du chantier

La cabane au fond du chantier
Christian Roux
Syros, 2012, Collection Souris noire

Construire, déconstruire

Par  Maryse Vuillermet

 

 

Le narrateur vient de perdre son père et sa mère n’arrive pas à s’en remettre. L’histoire se passe dans les années 70, la vie est encore assez paisible dans les banlieues,  si l’on se tient éloigné de la drogue et de l’alcool. La barre Guillaume Apollinaire, où habitent Thierry, sa famille et tous ses amis doit être détruite et remplacée par des immeubles plus jolis et plus petits. Ses habitants sont désemparés. Un immense chantier se met en place tout près, sur un terrain vague.  Thierry  est fasciné par cet espace  ouvert  et a  soudain l’idée d’aller y construire une cabane pour rêver,  faire des fêtes, avoir un projet…  Le gardien, Alban,  bienveillant, au début,  les aide   et puis, un jour, il change brusquement d’attitude et leur interdit l’accès du chantier. Thierry, avec son amie Marine va faire le guet pour comprendre ce qui se trame dans ce chantier, pourquoi le chien d’Alban a disparu et ce que vient y faire le frère de  Soufia, Méziane,  censé être en prison.

 Ce court roman est un mélange entre roman social, qui dénonce les violences familiales (le père de Marine la frappe) le début des gangs de la drogue,   et célèbre la solidarité des habitants de la cité, l’amitié de la bande,  et « le genre  club des cinq revisité ».  En effet, Thierry et sa bande vont mener l’enquête et avec intelligence et  courage  et vont réussir.

Mon père est américain

Mon père est américain
Fred Paronuzzi
Editions Thierry Magnier, 2012

 A la recherche du père

Par  Maryse Vuillermet

 

Léo, adolescent vivant près de Grenoble,  est en plein désespoir. Il  croyait qu’il était le fruit d’un amour de passage entre sa mère et un Américain. Elle n’avait jamais répondu à ses questions, il n’avait de lui qu’ une photographie. Or, il découvre qu’elle lui envoie de l’argent tous les mois et qu’elle est en relation  avec lui. Léo se sent plus que trahi. Il ne va plus au lycée, ses amis craignent le pire. Enfin, grâce à eux, il rentre chez lui et sa mère lui raconte tout. Elle a retrouvé son père par hasard…dans le couloir de la mort aux USA. Et elle a décidé de l’aider.

Après une difficile réflexion, Léon décide de donner une seconde chance à ce père.  Il lui écrit et …son père lui répond, lui explique toutes ses erreurs. S’en suit une correspondance très belle entre le père et le fils qui tentent de se connaître. Entre temps,  pour les amis de Léo aussi, la vie s’accélère,  Ben tombe amoureux d’Andréas, un garçon et est enfin lui-même et Léo accepte   l’affection d’Esther   qui se transforme en un sentiment plus fort.

Ce roman m’a plu : la recherche du père avec ses souffrances et ses joies, la  découverte de la vie très libre des jeunes des années 70, la vision de l’intérieur  de la vie dans les prisons américaines, de l’horreur de la peine de mort, le ton  juste, certains clins d’œil à la vie du lycée ( l’auteur est enseignant)  en font un ensemble assez riche pas du tout manichéen, et qui se lit très agréablement.

Quelques minutes après minuit

Quelques minutes après minuit
Patrick Ness

Traduit (anglais) par Bruno Krebs
Illustrations de Jim Kay
Gallimard jeunesse, 2012

Lumière noire

Par Anne-Marie Mercier

Siobhan Dowd, dont L’étonnante disparition de mon cousin Salim vient de sortir en poche, n’a pas eu le temps d’écrire cette histoire dont elle avait eu l’idée et que Patrick Ness a écrite en lui rendant hommage. Elle est décédée prématurément d’un cancer et ce livre pourrait être un vade mecum laissé à un enfant qui aurait vécu la maladie de sa mère sans supporter le regard des autres ni sa propre culpabilité, son impatience et sa colère. Mais Patrick Ness ne traite pas cette histoire comme une leçon ou un récit de vie mais en fait une œuvre véritable, superbe, très noire et poétique.

Le jour, Conor subit les brimades de brutes  de son collège, il enrage de ne plus exister véritablement aux yeux des autres, de ne voir son père, divorcé qu’à la sauvette, de cohabiter avec sa grand-mère venue s’installer à demeure pour soigner sa fille. La nuit, le jeune garçon fait un cauchemar récurrent : l’if qui fait face à sa fenêtre s’anime sous une forme monstrueuse et s’adresse à lui, pénètre dans sa chambre, le tourmente, cherche à lui arracher son secret. Une nuit, il lui annonce qu’il va lui raconter trois histoires en le prévenant :
– Les histoires sont les choses les plus sauvages de toutes, les histoires chassent et griffent et mordent.
– ça, c’est ce que les profs racontent. Mais personne ne les croit non plus.
– et quand j’aurai terminé mes trois histoires, tu m’en raconteras une troisième. […] et ce sera la vérité. Ta vérité […] celle que tu te caches, Conor O’Maley, est la chose que tu crains le plus ».
– Et si je ne le fais pas ?
– Alors, je te dévorerai vivant.
Chaque histoire pousse un peu plus Conor dans ses retranchements. L’if entre dans la vie diurne et accomplit des actes de plus en plus violents dont Conor réalise après coup que c’est lui-même qui en est l’auteur, sombrant dans des épisodes de folie tandis que sa mère agonise. Pas de happy end, sinon celui d’un retour à la présence à autrui : la grand-mère dure et meurtrie, l’amie stupéfaite et incomprise sont merveilleusement traitées. Conor avance jusqu’à la crise finale vers l’acceptation de ses émotions et de ses sentiments. Il se libère en disant enfin ce qui est resté enfoui en lui. Dire la vérité, se regarder soi même en face, pouvoir raconter sa propre histoire et faire face, telle est la leçon de l’arbre noir.

Les encres de Jim Kay, superbes, sobres et noires, accompagnent ce récit hanté et ancré dans le réel. Sans en faire un traité ni une leçon, P. Ness montre toutes les formes de la souffrance à travers son personnage et pose la question de la part de responsabilité de chacun dans son malheur. Il dit des choses très justes sur la solitude de ceux qui souffrent.

Au moment où tant de romans montrent des enfants face à la maladie de proches sans jamais entrer dans le cœur de la noirceur, celle de l’intériorité des êtres, Patrick Ness réussit le tour de force de proposer une fable fantastique plus vraie que tout ce qu’on peut lire. On retrouve sa capacité à utiliser les genres comme le fantastique et la science fiction (voir son magnifique cycle du Chaos en marche) pour toucher au cœur des émotions et de la vérité humaine. Ce livre qui tient en haleine, beau et juste, va au bout de la noirceur et il en sort une lumière qui ne doit rien à l’artifice et à la facilité : quel changement ! (voir chronique suivante)

J’ai pensé à vous tous les jours

J’ai pensé à vous tous les jours
Loupérigot
Gallimard Jeunesse  2002 pour le texte,
Folio junior,  Réédition 2012

 Un conte de fées assez noir

Par Maryse Vuillermet

 

Cédric abandonné par sa mère est,  depuis sa naissance, un garçon  plein de rage et de colère. Méchant, grossier,  révolté, sa vie, de foyers en familles d’accueil,   se résume en  une succession de conflits et de fugues.  Seul,  son éducateur, Bernard le comprend  parce qu’il est lui-même un enfant abandonné, il le soutient et  réussit à le retrouver à chaque fugue. Cette fois, il a une grande nouvelle à lui annoncer. Il a fait des recherches sur ses origines  puisque c’est désormais possible et  lui a retrouvé  un frère, Adrien.  Mais ce frère,  abandonné comme lui,  a été adopté par une famille très riche et très bourgeoise habitant le XVI° arrondissement. Une rencontre  entre les deux frères est organisée par Bernard et les parents  adoptifs et… c’est la catastrophe.

Mais peu à peu, les deux frères, loin des adultes et à leur manière,  vont s’apprivoiser, et la dernière fugue de Cédric se fera  en compagnie de son frère pour retrouver leur mère biologique.  Hélas,  tout ne se passera pas comme prévu,  à la fois plus noir  que tout ce qu’on peut imaginer et  plein d’espoir malgré tout!

Ce roman parle  de la douleur insupportable de l’abandon mais aussi des différences sociales dues au milieu  et à l’éducation,  qu’il faut  savoir dépasser pour se comprendre.

Elle est si gentille

Elle est si gentille
Isabelle Rossignol
Ecole des Loisirs,  2011

La couleur des sentiments

Par Christine Moulin

elle-est-si-gentille-1910132Voilà un beau roman qui finit bien mieux qu’il n’a commencé. Les premières pages, en effet, peuvent décourager car elles donnent l’impression d’être tombé dans un roman à l’eau de rose digne du courrier des lecteurs d’un magazine pour adolescentes: je l’aime, il m’aime, ma meilleure amie l’aime, il ne l’aime pas, que dois-je faire? D’ailleurs, l’héroïne elle-même, Clarisse, semble en avoir conscience: « […] je me dis que si cette histoire arrivait à d’autres qu’à nous je la trouverais tellement ridicule que je ne daignerais même pas m’y intéresser deux minutes. Ou alors je ne me gênerais pas pour m’en moquer allègrement. Je l’appellerais par exemple « Chassé-croisé de coups de foudre au soleil » et je la classerais dans la catégorie des téléfilms qu’adore regarder ma grand-mère ».

Mais ce qui fait que ce roman en est un, et non pas seulement l’énième « remake », comme on dit maintenant, d’une histoire éculée, c’est que le thème n’est pas forcément celui que l’on croit: bien plus, finalement, que l’histoire d’amour, ce qui compte, c’est l’évolution qu’elle permet chez Clarisse. Celle-ci va pouvoir vivre de l’intérieur ce qu’elle considérait jusqu’alors comme la « trahison » de sa mère, partie vivre au Brésil avec son amant et par la même occasion, libérer la parole de son père, aimant mais « taiseux », ainsi que la sienne propre. Elle va également réévaluer l’amitié (excessive?) qui la lie à Elsa, sa rivale, et interroger sa propension au sacrifice (« Te sacrifier, c’est donc ta réponse? » lui lance Julien, son amoureux).

Par ailleurs, le roman entier est fait d’échos qui en établissent la cohérence: l’oiseau mort du début se retrouve à la fin, Clarisse parle souvent de son âme, qu’elle a surnommée Néphèsh (elle a découvert avec émerveillement que ce mot « vient d’une racine qui signifie respirer« ), de ses étouffements,  bloquant et libérant le souffle du lecteur au rythme de ses émotions. Et surtout, élève d’une option artistique, elle est sensible aux couleurs dont les nuances transmettent les variations de ses sentiments. Les premières lignes sont à cet égard révélatrices: « Si un peintre faisait un tableau de moi en ce moment, il dessinerait une fille en jupe kaki et tee-shirt blanc sur un long boulevard » et c’est vers la réconciliation avec le jaune, couleur maternelle, que tend tout le livre.

PS : un seul bémol. Etait-il utile de faire de Bourg-en-Bresse le repoussoir d’Antibes?!

PS2 : une analyse intéressante sur Citrouille.

PS3 : une critique très critique !

 

Ma

Ma
Louis Atangana
Rouergue,
Collection Doado,  2012

Amitiés  et douleurs africaines  

  par Maryse Vuillermet

Les héros, Félix et Magali, sont deux jeunes africains. Félix rêve de partir en Europe, surtout depuis que Jonas est rentré d’exil avec une valise pleine de livres. Sa mère Ma essaye de l’en dissuader, elle n’a que lui,  et,  pour une raison inconnue, elle est rejetée par tout le village sauf par Jonas et considérée comme sorcière.  Magali est  une enfant trouvée, qui,  venue de très loin,  a atterri au village. Elle est mystérieuse et sauvage.

 Un  jour, Félix suit Magali dans la forêt interdite, découvre son domaine, une case et un  jardin et,  peu à peu,  l‘apprivoise. Elle lui confie son passé terrible ; la guerre a fait d’elle une enfant soldat.  Félix reste avec elle dans la forêt, sa mère Ma souffre et lui en veut. On apprend en fait que Ma, stérile et abandonnée par son mari  l’a enlevé dans une maternité, que lui aussi est donc un enfant trouvé.

Les deux jeunes aiment lire  dans les livres de Jonas. Jonas  a d’ailleurs fait venir un instituteur de la ville et des livres pour les enfants.

Toute l’histoire, très réaliste, qui nous montre l’irrépressible désir des jeunes Africains de quitter leur village, leur vie ennuyeuse et laborieuse est aussi imprégnée de magie, par exemple, Ma emmène Magali une nuit dans la forêt et la délivre de sa tension et de sa  haine. Jonas  et Ma ont des visions, dialoguent avec les morts.

 Ma et Jonas meurent tour à tour et Félix vit avec Magali, retenu par elle, il ne part pas, il enseigne à son tour aux enfants,  et il  écrit ses rêves dans son cahier.

C’est donc un roman de formation à l’africaine, qui montre qu’à travers les rages et les désirs d’adolescents, on devient  peu à peu adulte.