N.I.H.I.L. Le tourbillon du temps

N.I.H.I.L. Le tourbillon du temps
Alex Cousseau
Éditions du Rouergue,
2018

Un chant de glaces et de vent

Par Anne-Marie Mercier

Askold est en prison, il se remémore son trajet, de l’île de pêcheurs où il vivait à la cuisine du roi fou, pour lequel il travaillait. Son compagnon de cellule, Jeremias, récite sans cesse les tables de multiplication. Il est comme « un grenier traversé par des courants d’air », habité par une seule pensée à la fois, qui tourne en rond nuit et jour. Il était l’ami d’une méduse qu’il transportait dans son bocal avant d’être arrêté.
Aanj, une enfant, vit seule dans une cabane en rondins dans les bois, près d’un lac gelé, avec Andoke, un aveugle dont on ne sait ni qui il est, ni quel lien il a avec elle ; il lui apprend les mots, l’écriture (« les mots sont des flèches ») et lui enseigne progressivement à se métamorphoser en animal. Aanj fait des rêves étranges ; grâce à un anneau, une autre fille vit en elle, Magma, qui n’est « pas son double mais son envers », et qui la complète.
Grete navigue avec son père qui invente des appareils et des mots nouveaux (« électricité », par exemple) et cherche des orages pour capter leur énergie ; ils voyagent vers le point central de ce monde d’îles, le « point zéro », d’où émergent parfois des objets venus d’ailleurs (du futur ? d’un autre monde ?), ou des animaux, un sous-marin avec ses marins et ses bombes…
On retrouve au fil des chapitres tous ces personnages et on en apprend un peu plus sur eux. On apprend aussi petit à petit quels liens peuvent les unir à travers un autre personnage, Rosie. Rosie a le don d’ubiquité. Elle est l’amie de Jérémias, l’amoureuse d’Askold, la convoitise du fils du roi fou. Un autre roi, élu « au cas où » (très jolie figure politique) par ses concitoyens, est le père de Jérémias, la guerre est proche et devrait être perdue à moins que le temps ne se replie que le le futur n’émerge dans le présent, sous la forme d’un épervier – sorte de Pihi (« De Chine sont venus les pihis longs et souples/Qui n’ont qu’une seule aile et qui volent par couples »), l’oiseau d’Apollinaire (et du peintre François Hilsum, qui a fait plusieurs toiles intitulées « Pihis »)
C’est beau, énigmatique, riche en imaginaire, poétique: un très beau roman, captivant, qui nous amène par de multiples détours vers une histoire simple fils de roi fou, de fils et de fille de roi sage, d’amour et de vengeance, baignée par la mer, la glace et l’esprit des îles.

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