L’Insigne d’argent
Korneï Tchoukovski
traduit (russe) par Odile Belkeddar, illustré par Philippe Dumas
L’école des loisirs, 2015
Enfance d’un écrivain dans la Russie tzariste
Par Anne-Marie Mercier
L’écrivain Korneï Tchoukovski décrit son enfance ; elle n’est pas rose, et par certains aspects fait penser à l’autobiographie de Vallès, L’Enfant : c’est une succession de vignettes qui racontent chacune un épisode, farce d’écolier, amour malheureux, punitions, joies familiales, trahisons… Même s’il a la chance d’avoir une mère aimante, il n’a pas connu de père et la famille vit difficilement.
L’Insigne d’argent, qui l’identifie comme élève du collège d’Odessa, lui est retiré à la suite d’une conjonction de circonstances – des bêtises détaillées dans les chapitres précédents, joyeux jusqu’ici. Il est renvoyé pour une peccadille et pour une faute qu’il n’a pas commise. On comprend progressivement que ce châtiment disproportionné masque un prétexte pour le renvoyer comme tous les enfants de familles pauvres et exclure ainsi de l’éducation le petit peuple, comme sont renvoyés au même moment les enseignants trop proches des idées nouvelles.
La vie à Odessa à la fin du 19e siècle est rendue de manière très vivante : paysans, bourgeois, artisans, voleurs… se côtoient. Les relations entre enfants, présentées sous une apparence relativement égalitaire au début du roman, apparaissent dans toute leur cruauté par la suite lorsque le narrateur découvre la vraie nature de la société et se voit confier par l’un de ses professeurs des écrits révolutionnaires.
L’épilogue qui clôt le livre est très intéressant par ce qu’il dit de l’expérience vécue par l’auteur lors de l’écriture de ce récit d’enfance, par le résumé de sa vie ensuite et son entrée à l’université malgré tout, par l’hommage à sa mère, personnage central de ce roman.