Lise et les hirondelles
Sophie Adriansen
Nathan 2018
A la mémoire des enfants de juillet
Par Michel Driol
Juillet 1942 à Paris : Lise voit ses parents et ses frères emmenés par la police. Par culot, ou inconscience, elle va libérer ses deux jeunes frères, rôde autour du Vel d’Hiv, espérant la libération de ses parents. La fratrie, hébergée d’abord à Paris, puis dans le Nord, enfin à Paris, traverse toute la guerre, les rationnements, les dangers, les espoirs.
Voici un roman historique, écrit à la première personne, qui donne à entendre la voix singulière d’une fillette juive, d’origine polonaise, durant la seconde guerre mondiale. Il s’agit de montrer comment toute une vie simple, faite de relations familiales stables, peut basculer dans l’horreur en un instant. Adolescente, Lise se retrouve en charge de ses deux jeunes frères, et raconte, avec des mots simples ce qu’elle voit, perçoit du monde, entre les privations à Paris et l’abondance relative de la nourriture du Nord, entre Français aux attitudes bien différentes, et Allemands parfois positifs. L’auteure multiplie les courtes scènes, comme autant d’éclairages sur la traversée de cette période, la construction d’une personnalité, et le respect de ses convictions (une scène, en particulier, très forte, où Lise doit choisir une fable à réciter en présence d’Allemands). Traverse le roman la figure des hirondelles, qui fascinent l’héroïne, comme un leitmotiv quasi musical, comme une figure du destin qui peut se révéler moins sombre qu’on ne pourrait le croire.
Dans le silence qui s’installe, écrit l’auteure dans la postface, perce l’évidence que la fiction historique sera bientôt le seul moyen d’entretenir le souvenir des témoins. Le roman parvient tout à la fois à accomplir ce devoir de mémoire, tout en permettant de se rattacher et de s’identifier à une héroïne du quotidien, de l’âge du lectorat visé. Il rend sensible l’horreur du nazisme, de l’antisémitisme, et la croyance en un futur plus heureux. Une photo finale, montant la vraie héroïne et ses parents sur une plage, avant la guerre, illustre ce rapport complexe entre vérité historique et roman, et montre que tout ceci n’est pas qu’une fiction.