Un million de points
Sven Völker
Helvetiq 2023
De double en double
Par Michel Driol
Au début, tout est simple. 1 point. Page suivante, 1+1, puis 2+2, puis 4+4… jusqu’à 524288+524288… Comme sur un livre à compter, au début on compte les points, puis, devant l’ampleur de la tâche, on fait confiance… Au début tout tient sur une page, puis il faut deux pages, mais, pour les deux derniers nombres, la page se déplie.
Graphiquement, c’est très beau. On explore ainsi un arbre, des fruits sur l’arbre, une coccinelle, un grille-pain, des confettis, des taches de rousseur, la pluie, un conteneur, des étoiles, des brins d’herbe, des grains de sable, les gouttes d’eau dans une piscine, des poils sur une petite souris, les particules dans la fumée d’une locomotive à vapeur, pour finir avec le million de points dans la ville… atomes ? particules ? pixels ? Il s’agit moins ici d’un livre à compter, lesquels s’arrêtent en général sagement à 10, mais d’un livre destiné à donner une représentation d’un type de croissance mathématique, et de permettre de visualiser les grands nombres, là où les mathématiques touchent à la poésie en laissant entrevoir une image de l’infini. Et pourtant, la règle est simple. On double à chaque fois, mais, très vite, c’est à l’univers entier qu’on est confronté. Un univers représenté ici de façon à la fois colorée, réaliste et géométrique : des carrés, des rectangles, des bandes, des compositions symétriques, des alignements qui n’excluent pas la liberté formelle des courbes ou du désordre. Belle façon ludique et poétique d’illustrer les mathématiques comme une façon d’introduire un ordre dans le chaos du monde.
Un album qui a remporté le New York Times Best Illustrated Children’s Books en 2019, œuvre d’un graphiste berlinois dont c’est, à notre connaissance, le premier livre traduit en français, Un million de points tisse des liens utiles entre les mathématiques, l’art, la poésie… et l’imaginaire !