La Poésie, késako ?
Thomas Vinau – Illustrations de Marc Majewski
Gallimard Jeunesse 2023
C’est quoi mon po – c’est quoi mon po – mon poème ?
Par Michel Driol
Qu’est ce que la poésie ? Voilà une question simple en apparence, mais à laquelle nombre d’auteurs, de poètes, de théoriciens ont apporté des réponses diverses. Au tour de Thomas Vinau de se livrer à l’exercice, mais, et on le sent dès le titre, avec humour et désacralisation. Tout au fil des pages vont se succéder des tentatives de définition, sous des formes différentes, mais toujours imagées et poétiques. Tantôt on aura l’accroche par « Si c’était… » un passage secret, un détective privé, un drôle de magicien.. Ou alors la comparaison est introduite par « Elle pourrait ressembler à »… un archéologue, un paysan.. C’est la métaphore qui suit, avec « Elle pourrait être »… une question, un secret… Sous forme de jeu de mot, c’est une notion essentielle qui est introduite « Elle garde la forme »… d’un hamac, d’une bouée.. Reviennent enfin les métaphores « C’est une grande table, un coloriage »… Et l’album se termine par un appel à chaque lecteur pour qu’il donne sa définition : A toi de voir. Ce court panorama permet déjà de mesure l’étendue et la diversité des champs lexicaux convoqués : métiers, objets, notions abstraites…
Au-delà du plaisir de la lecture, du plaisir des surprises nombreuses et variées que l’on rencontre dans ces pages, se dessinent quelques caractéristiques de la poésie. D’abord la difficulté de la cerner car elle intègre en elle des contraires et se nourrit de paradoxes. On en citera trois : parfois raccourci, parfois détour, un secret qu’on ne peut garder qu’en le partageant, le cadeau que le silence fait aux mots. Mais elle est aussi liberté, liberté d’apporter ce qu’on veut à la table, liberté de ne pas respecter les limites du coloriage. Elle ne passe pas à côté de ce qui est drôle (le mot blague revient souvent). Au cœur de l’ouvrage se glisse la question de la forme, aussitôt posée, aussi éclatée dans un pluriel (toutes les formes), L’essentiel est dit, suggéré au lecteur, comme si la seule définition possible de la poésie ne pouvait qu’emprunter une langue elle-même poétique, faite d’images, de comparaisons, de rapprochements, comme s’il fallait rendre la poésie sensible par un langage oblique et non dans la sécheresse d’une approche plus théorisante. On trouvera ici des réponses à ces questions : qu’est-ce que la poésie ? A quoi sert-elle ? Quels effets produit-elle ? Mais ces réponses, formulées avec humour, un humour souligné par des illustrations pleines de malice, restent à interpréter pour se forger sa propre conception de la poésie. Le vocabulaire et les illustrations nous plongent dans les choses ordinaires (un magicien, une porte, des lunettes), mais ce réel, aussitôt posé est dépassé ou déplacé par la suite de la phrase – ou un détail de l’illustration – pour associer le réel et l’imaginaire, le visible et l’invisible, le quotidien et l’extraordinaire. Il y a là une vraie ligne de force qui touche à la conception de la poésie de l’auteur, magnifiquement comprise par son illustrateur.
Un belle tentative poétique de proposer une approche sensible de la poésie, à travers l’humour, la langue, les situations, à destination d’abord des enfants, mais que bien des adultes pourraient lire :