Poisson Fesse
Pauline Pinson, Magali Le Huche
Les fourmis rouges, 2024
Par Anne-Marie Mercier
« La beauté des laids se voit sans délai, délai… (S. Gainsbourg)»
Il était une fois un petit poisson rose qui avait « une tête de fesse. Tour le monde le lui dit ».
Perplexité d’être différent, tristesse devant les moqueries, tentative (plutôt réussie) pour se faire accepter en surjouant sa difformité… solitude et lassitude : il part vers les profondeurs. Chaque palier lui fait découvrir qu’être rejeté peut être une force, et aider à survivre. Il rencontre surtout une nouvelle faune, jusqu’aux poissons les plus bizarres qui enchantent les enfants dans les grands aquariums, tant par leurs noms que par leur allure : poisson-pilote, poisson-chat, poisson-scie, poisson-clef à molette…
Arrivé tout au fond, il arrive au comble du bizarre et rencontre un poisson triangulaire, jaune citron et tout grêlé, appelé poisson-tome de Savoie. Très détendu, celui-ci (qui s’appelle en fait Steven) fait découvrir beaucoup de choses à son nouvel ami (qui s’appelle en fait Damien) : des jeux à l’infini et des idées comme notamment celle qu’un laid peut devenir beau, selon les yeux qui le regardent ou selon l’angle sous lequel il apparait. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises et Steven et Damien, en remontant vers la surface, vivront bien des aventures avant d’arriver chez la maman de Damien, jusqu’au « retournement » final.
Merveilleuse histoire, drôle, traitant sérieusement d’un sujet grave, et portée par des images formidables, des couleurs flash, des poisons stylisés et plein de caractère, jusqu’aux mimiques comiques des deux héros. Le texte est court et simple, explicite quand il le faut (on explique ce qu’est une tome et ce qu’est la Savoie) mais pas quand c’est au lecteur de construire le sens et de déchiffrer les émotions. La couverture et les pages sont douces au toucher, lisses comme un poisson pris dans le sens des écailles. Une lecture de plaisir total.