Bibabop et Bidouwa

Bibabop et Bidouwa Un voyage au pays de la musique avec la fanfare Bric-Broc
Elsa Valentin Jean Lucas
Interprété par Jean Lucas, Erika et Frédéric Guérin
Trois petits points, 2024

Album audio d’une fiction sonore sous forme de CD à écouter

Par Edith Pompidou-Séjournée

C’est un voyage, celui d’une fille qui veut apprendre la musique et part donc à sa découverte. Son aventure se construit comme une chanson avec un refrain qui sert de fil conducteur en scandant l’histoire tout en rappelant sa quête. Quant aux couplets, ils peuvent s’écouter dans l’ordre. L’histoire se déroule comme un dialogue à deux voix entre la fille et celui que l’on peut penser être son professeur, et ses rencontres avec la fanfare et les instruments.
Ce périple est ponctué de devinettes musicales sur la reconnaissance des instruments mais aussi de la recherche des éléments caractéristiques du son comme la hauteur, la fréquence, l’intensité et la durée. La ballade est entraînante car elle s’accompagne de chansonnettes pleines de jeux de mots ainsi que de chansons et musiques qui invitent à bouger et danser en rythme.
Cet album audio n’est donc pas juste une histoire entraînante et amusante mais il peut encore servir de boîte à outils pour apprendre à découvrir les instruments et les sons qu’ils produisent, à prendre conscience du rythme et à le faire vivre corporellement, à travailler sur la prononciation et à différencier les sons pour savoir mieux les écouter et les apprécier. Une ode à la musique donc, certainement avec comme mission de passionner les plus jeunes et les plus novices de manière originale et stimulante.

La petite Glaneuse de sons

La petite Glaneuse de sons
Benoît Bories – voix : Elodie Vincent – Illustrations Iris Durand
Trois Petits Points 2024

Sounds or Silence ?

Par Michel Driol

Irma habite à la montagne avec son grand père Nonno. Sa passion : collecter et enregistrer de nouveaux sons, oiseaux, torrent, pas dans la neige… Avec ces sons, Nonno fabrique des automassons. Derrière ce mot valise se cachent d’ingénieux dispositifs capables de reproduire les sons de la nature. L’arrivée de Monsieur Industrior et de ses machines destinées à creuser des trous dans la montagne fait taire tous ces sons, pour laisser la place à un bruit blanc que rien ne peut vaincre. C’est compter sans l’ingéniosité de Nonno qui fait fabriquer par les habitants du village une trompe géante capable d’amplifier les automassons et d’entrer en résonnance avec les machines de Monsieur Industrior pour les détruire.

Une fable écologique et politique pour les petites oreilles, annonce le sous-titre de ce nouvel opus sonore des Editions Trois Petits Points. C’est bien de cela qu’i s’agit, on l’aura compris en lisant le résumé, mais avec un angle original qui est bien lié à la spécificité de cette maison d’édition lyonnaise. La diversité dont il est question ici est celle des sons de la nature, que cette histoire invite à écouter avec attention, qu’elle donne à entendre en particulier dans les premiers chapitres. Quant au monde industriel, destructeur de l’environnement, il est incarné aussi bien par les bruits des engins de chantier que par le bruit blanc – négation de la diversité, de la variété. C’est une belle partition musicale à trois éléments que cet opus donne à entendre : les sons et bruits divers, la voix calme et douce de la narratrice, et la musique concrète très contemporaine, expressive, qui lie le tout. Par là il s’agit autant de s’adresser à la sensibilité de l’auditeur qu’à son imaginaire en lui proposant des sons – et non des images – avec une grande force d’évocation. Cette proposition poétique dessine un  paysage sonore dont les éléments sont l’écologie sonore et la musique acousmatique. Faut-il voir dans le nom du grand père, Nonno, une allusion à Luigi Nono, et à une musique au service d’un engagement politique ?

La défense de la nature, la résistance à sa destruction ont de nombreux visages. Ce récit sonore nous invite à écouter, tant qu’il en est encore temps, les sons de la nature, apaisants, et montre avec originalité comment ils peuvent donner lieu à une (re)création artistique. A auditionner les yeux fermés certes, mais pour garder les yeux ouverts sur le monde qui nous entoure…

Tartines de peur salée – Confessions d’une hyper sensible

Tartines de peur salée – Confessions d’une hyper sensible
Texte d’Elsa Valentin dit par Camille Claris ponctué à la flute par Julie Chevalier
Editions Trois Petits Points 2023

Recettes (de vie) en tout genre…

Par Michel Driol

A 9 ans, Léonie, qui vit dans le Queyras avec ses parents et son frère, éprouve de nombreuses crises d’angoisse. Peur du bruit du feu d’artifice, peur de ce qui se cache sous l’eau, peur que les volcans se réveillent. Ces crises d’angoisse changent la vie de famille : on ne regarde plus les informations, on ne regarde plus les films de Miyazaki… Grace à une psy, Eva, grâce à ses parents, mais aussi grâce à ses efforts, Léonie parvient à surmonter ces crises.

La question des émotions est l’une de celles que la littérature de jeunesse aujourd’hui traite aujourd’hui abondamment. Cette histoire à écouter le fait avec humour, sérieux, et en prenant le parti de traiter plutôt de l’hyperémotivité, de l’hyper sensibilité que des émotions ordinaires. Avec humour, Léonie se raconte, et il faut saluer une fois de plus la belle performance de Camille Claris qui prête sa voix et donne vie à ce monologue d’une enfant plus vraie que nature, parvenant à la rendre proche de l’auditeur. Humour du jeu de mots du titre.  Humour de questions telles que le point commun entre la flute traversière et les tartines. Humour dans la façon assez distancée de parler de soi et de ses problèmes. Et, en contrepoint, sérieux qui sait ne pas être pesant. Sérieux dans la façon précise de décrire les symptômes, les effets, d’analyser les causes, de donner des remèdes (comme la respiration). Si le récit se veut pédagogique (il s’agit en effet de montrer à partir d’exemple très concrets les effets de l’hyperémotivité à la fois pour permettre d’en repérer les phénomènes, d’apprendre à les distinguer, et de les soigner), il sait ne pas être indigeste et utilise la force de la narration pour faire passer son contenu sérieux. D’abord par le choix de la narratrice, une fillette vive, intelligente, sensible et volontaire. Comme souvent chez les héroïnes d’Elsa Valentin, c’est une enfant qui a confiance dans les adultes avec lesquelles elle s’entend bien. Ici ce sont les parents, le maitre, la psychologue, le professeur de flute, des adultes pas toujours parfaits (voir les colères du maitre ou de la directrice), mais à qui elle peut se fier et se confier. C’est aussi une enfant créative pleine d’imagination : deux qualités qui se retrouvent avec humour dans sa façon d’inventer et de réaliser des recettes de tartines (on aimerait que le disque soit livré avec quelques-unes de ces tartines qu’on a envie de déguster, à son tour !). C’est avant tout le récit d’une victoire sur soi-même, une façon de reprendre, petit à petit, confiance en soi. Et le récit relate bien ces étapes à partir de situations concrètes : le franchissement d’un torrent, la peur d’être seul chez soi le soir.  Ce n’est pas un récit qui cherche à édulcorer, mais qui confronte chacun à ses peurs les plus profondes, et qui sait évoquer la peur de la mort comme peur fondamentale avec laquelle chacun d’entre nous doit apprendre à vivre. On le voit, on est loin des textes parfois trop simplistes sur la gestion des émotions pour aborder des questions plus métaphysiques et essentielles. Quant aux ponctuations à la flute traversière de Julie Chevalier, elles apportent des notes douces, apaisantes, et permettent à l’auditeur de prolonger avec bonheur par l’écoute de la musique l’écoute des mots.

Une belle histoire à écouter, qui utilise toutes les ressources de la fiction pour mieux faire comprendre ces phénomènes d’hypersensibilité et d’hyperémotivité, en permettant à l’auditeur de se sentir en empathie avec l’héroïne.  Un récit dans lequel l’héroïne s’adresse aux auditeurs, comme pour établir un lien fort avec lui, une belle complicité…

L’Été de Vivaldi

L’Été de Vivaldi
Suzy Lee
Rue du monde, 2023

Illustrer la musique ?

Par Anne-Marie Mercier

Ce grand album de Suzy Lee est une jolie surprise. On y retrouve le talent de l’artiste et sa capacité à représenter la vie, le mouvement, le fugitif, (avec notamment La Vague). Mais il s’y ajoute un autre défi, parfaitement réussi, celui d’illustrer la musique. Les arts se répondent tous, certes, mais on voit davantage de passages du texte à l’image et vice-versa, ou du texte à la musique et retour, que de la musique vers l’image.
L’été, c’est à la fois le thème de l’album de Suzy Lee et le titre d’un fragment des Quatre saisons de Vivaldi, concerto que lui-même avait publié avec un sonnet; celui-ci évoquait la torpeur de pastoureaux, puis l’arrivée du vent. Suzy Lee a actualisé la scène ; ce ne sont plus des bergers mais des promeneurs qui sont surpris par la pluie. Le texte court qu’elle propose au début de chaque mouvement suggère plus qu’il ne décrit et crée une atmosphère. Ainsi elle évite l’écueil de la représentation de la musique comme un art d’imitation. De même, son dessin est figuratif sans être réaliste et emporte le regardeur avec des effets de rythme, de retours et de fluidité : il est également musical.
Un QR code permet d’écouter le concerto tout en parcourant l’album. C’est un délice et une expérience étonnante, accessible à tous et toutes, une belle introduction à la musique de Vivaldi.
L’album est découpé en trois mouvements, qui correspondent à ceux du concerto pour violons. Le premier mouvement (allegro non molto) s’ouvre sur une évocation de l’été (chaleur sècheresse, le vent se lève). Les musiciens, tracés à l’encre de chine devant un rideau de scène bleu, sont rassemblés. Puis le vert du paysage et le bleu du ciel font leur entrée, puis des personnages. On en comptera cinq qui reviendront de façon régulière, comme autant de danseurs, des adultes et des enfants accompagnés d’un chien; ils sont esquissés au fusain sur le fond blanc de la page et partiellement coloriés. La joie explose, jets d’eau et de couleurs, rires, galopades, auxquels succèdent des temps de pause heureuse.
Vient le deuxième mouvement (Adagio, presto), avec des pages bleues et noires de nuages d’orages ou des dessins de portées musicales sur fond blanc, griffées de traits de pluie ou parcourues par des petits personnages juste esquissés ; les deux mondes s’interpénètrent, l’eau a tout éclaboussé, jusqu’à l’arc en ciel.
le troisième mouvement (presto) est celui du vent violent. Le paysage est strié de hachures, les personnages courent, grelottent ; les parapluies volent, le ciel roule des flots de noir de chine et de gris. Les musiciens eux-mêmes semblent gagnés par cette atmosphère.  De superbes doubles pages proposent une plongée dans toutes les nuances de gris, de bleu, dans l’épaisseur de la matière, jusqu’au retour à la scène, au calme et au blanc. Les artistes et les personnages saluent.
Avec une couverture qui rapproche cet album du livre d’art, un beau et fort papier, une belle impression, des couleurs et des effets de texture étonnants, c’est un petit chef d’œuvre.

Voir des images sur le site de l’autrice

 

Souricette veut un amoureux

Souricette veut un amoureux
François Vincent, Charles Dutertre
Didier jeunesse (Polichinelle)

Le mariage de la petite souris : une version moderne

Par Anne-Marie Mercier

Certaines histoires sont éternelles, certes, mais cela ne les empêche pas d’avoir un auteur ou, dans le cas de tradition orale, des transmetteurs. La littérature de jeunesse est faite de réécritures et d’emprunts, bien sûr, mais le minimum serait de lui reconnaitre cette capacité à recycler d’anciennes histoires pour ler donner une forme nouvelle.
L’histoire du mariage de la petite souris est bien connue. Certains la donnent comme un conte japonais, d’autres comme tiré d’une fable d’Esope ; je connaissais l’album du Père Castor intitulé « La plus mignonne des petites souris », illustré par Etienne Morel (1953, réédité en 2021 pour le quatre-vingt dixième anniversaire de la vénérable collection. Voici son argument : le père de la petite souris décide que sa fille étant la plus mignonne et la plus douée des petites souris, elle n’épousera que le personnage le plus puissant; il va lui proposer la main de sa fille : sera-ce le soleil ? non, le soleil avoue qu’il est vaincu par le nuage ; le nuage ? non, il est vaincu par le vent, etc. À la fin la petite souris épousera un souriceau, jolie morale.
L’album illustré par Charles Dutertre ajoute de la fantaisie à ces épisodes. La situation est aussi plus moderne car c’est Souricette qui a cette ambition pour elle-même et qui veut choisir son amoureux. La mise en musique est gaie et donne à chaque personnage une personnalité sonore intéressante. Mais j’avoue préférer le charme du conte d’origine, plus répétitif et plus simple.
Les éditeurs indiquent que ce livre est issu du spectacle Souricette blues et que « François Vincent « revisite des contes de la tradition orale ». Très bien, mais on aurait aimé qu’il soit mentionné que cette histoire avait été relayée par d’autres œuvres.

 

 

 

 

La Nuit dort au fond de ma poche

La Nuit dort au fond de ma poche
Texte Véronique Borg – Interprétation Véronique Borg, Naton Goetz, Jean Lucas, Mathieu Pelletier
Editions Trois petits points 2023

La petite fille dans la forêt nocturne.

Par Michel Driol

Sur le chemin de l’exil, pour fuir son pays, la Petite traverse une forêt avec ses parents, en pleine nuit. Dans son sac, elle a un livre avec les noms des oiseaux et dans sa poche une noix offerte par sa grand-mère. Perchée sur un arbre, elle rencontre un merle. Pendant que ses parents dorment, elle plonge dans les profondeurs de la nuit à la suite du merle qui l’attend, rêve qu’elle est à l’intérieur de la noix, à l’abri. Attaqué par un renard, l’oiseau est blessé. Voulant le secourir, la Petite se réfugie dans une grotte où elle rencontre la Vieille et une Chouette chevêche qui l’aident à guérir le merle, malgré le danger représenté par l’Ogre. La Petite casse la noix et la Chouette guide alors la Petite vers ses parents, le rêve de trouver une nouvelle maison demain, et de retourner danser sur la terre natale.

La nuit, c’est à la fois le temps du repos et celui de tous les dangers. Surtout lorsqu’elle se conjugue avec la forêt. Dans une langue poétique et musicale, ce conte chante à la fois l’exil, avec la nostalgie du pays perdu, de la maison perdue, des douceurs perdues et l’aventure merveilleuse, celle qu’on ne peut trouver que dans le rêve où l’on rencontre des personnages archétypaux, des animaux dotés de la parole. On y entend en particulier un savoureux dialogue avec une chouette chevêche de souche, dialogue saturé de jeux de mots. Cette histoire, qui était d’abord un spectacle vivant,  associe des voix tantôt chuchotées, tantôt parlées,  des chansons et de la musique qui crée une atmosphère expressive. On remarque en particulier le jeu des guitares saturées pour signifier les dangers, mais aussi la douceur de l’hélicon et de l’accordéon.

Le récit se termine par une évocation très métaphorique de la nuit. Chacun sa nuit, chacun sa façon de la craindre ou d’en gouter les émotions. Un livre audio poétique, qui crée un univers sonore riche et poétique pour évoquer une Petite, exilée ayant perdu ses racines, conservant comme objet transitionnel une noix, mais en communion avec la nature tout entière.

A la belle étoile

A la belle étoile
Texte Nathalie Tuleff, musique Guillaume Lucas, Illustrations Janna Baibatyrova
Trois petits points 2023

Vive l’eau

Par Michel Driol

Pour la première fois, Rosetta et Lucien partent en vacances, dans le pays voisin, chez Opa et Oma. Au milieu de la nuit, ils entendent du bruit autour de leur tente. C’est Albert Hisson qui leur explique qu’il n’y a plus d’eau dans le ruisseau, et qu’il doit partir. Remontant le lit de la rivière, les deux amis découvrent Corentin le ragondin, qui leur explique que des hommes ont fait « un grand bazar » et que l’eau ne coule plus. Avec l’aide des ragondins, Rosetta et Lucien parviennent à refaire couler la rivière.

Voici un nouveau CD des aventures de Rosetta, un conte écologique dans lequel les enfants et les animaux parlent ensemble et collaborent pour faire revenir l’eau de la rivière, symbole de vie pour tous, une eau que la folie ou la négligence des hommes empêche de couler. Mais, en fait tout commence par l’observation des étoiles depuis le sommet du donjon, la quête des étoiles filantes qui permettront de faire un vœu, situation que l’on retrouve dans le dernier chapitre. C’est une façon d’inscrire le récit aussi bien dans le cosmos tout entier que dans l’imaginaire merveilleux du conte. Le texte est plein d’une poésie simple, celle de la nature, du bonheur et des plaisirs quotidiens. Nathalie Tuleff, qui lui prête sa voix,  en propose une interprétation toute en finesse, modulant les accents au gré des animaux rencontrés, non sans humour. L’accompagnement musical fait la part belle au phrasé tout en souplesse de Brahms et Debussy.  Un signal sonore discret indique le tourne-page, et permet de découvrir les illustrations aux couleurs vives, sans texte, de l’album qui accompagne le CD. Des illustrations qui s’inscrivent elles aussi avec bonheur sous le signe des étoiles.

Une histoire qui s’adresse certes aux plus petits, mais dont la poésie et la sensibilité ne laisseront pas les plus âgés indifférents.

Berceuses et comptines d’Irlande

Berceuses et comptines d’Irlande
Nathalie Soussana, Jean-Christophe Hoarau
John Spillane, Rioghnach Conolly, Deirbhile Ní Bhrolchàin
Didier jeunesse (comptines du  monde), 2023

Berceuses salées

Par Anne-Marie Mercier

Chansons d’amour, berceuses, danses, chants paysans, légendes, histoires cocasses, tout a pu faire musique et langage, tantôt en gaélique, tantôt en anglais. Les airs ont une allure connue,  le folklore irlandais ayant été répandu ou réinterprété largement depuis des décennies.
Les textes, accompagné de la traduction française, ne sont pas tous enfantins, loin de là, mais la musique est charmante ou entrainante, les styles variés. Les musiques incluent des instruments traditionnels comme le violon, la flûte en métal (tin whistle), et la harpe celtique, et d’autres comme le banjo, la guitare et la mandoline.
Chaque chanson est décrite en fin d’ouvrage, avec son histoire, ses variantes, sa présence récente dans des films, etc. c’est donc aussi un livre savant et intéressant quant aux différentes manières de survivre pour un air ancien.
Un Qr code permet d’écouter sans lecteur de CD.

La Belle au bois dormant

La Belle au bois dormant
Texte de Pierre Coran (repris de Perrault) dit par Nathalie Dessay, Clémence Pollet (ill.)
Musique de Tachaïkovski (extraits)
Didier jeunesse, 2022

Sage ballet

Par Anne-Marie Mercier

Selon le principe de cette collection de livres musicaux consacrés aux ballets classiques, le CD fait entendre à la fois la musique et le texte, dit par Nathalie Dessay avec une sobriété de bon aloi. La musique de Tchaïkovski est découpée en petites séquences, sans doute pour éviter de lasser le jeune auditeur ; c’est un peu dommage qu’on n’ait pas le temps de s’installer dans chaque mélodie. Seule la fameuse valse (que l’on retrouve dans le film de Disney) du premier acte est donnée en entier, après la fin de l’histoire.
C’est dans un style très classique que ce conte est repris ici, avec des illustrations sages et gracieuses, un texte qui reprend fidèlement l’esprit de celui de Perrault tout en lui ajoutant quelques fantaisies (des dragons, par exemple). Le mélange d’inspirations de Disney et Perrault fonctionne bien ; les petites fées volètent joliment, et la méchante sorcière est impressionnante.
Tout se déroule dans un royaume de fantaisie où les humains ont parfois des attributs animaux (longues oreilles, becs d’oiseaux) et où toutes les couleurs de peaux se mêlent ; le Prince qui vient d’un pays lointain a la peau noire. Il s’appelle bizarrement Johan, entre moyen-âge et époque contemporaine, un prénom qui fait basculer dans une autre chronologie.

La Chanson de Rose – Christmas in New York

La Chanson de Rose – Christmas in New York
Jane Méry – lu et chanté par Camille Claris, Andrew Paulsen, Chantal Jean et Matthéo
Trois petits points 2022

L’une chante, l’autre aussi

Par Michel Driol

Rose, qui a 10 ans, est élève d’une école primaire à Paris. La cour de récréation est bien occupée par les garçons qui jouent au foot. C’est l’hiver. Rentrant chez elle, elle glisse sur une plaque de verglas et se réveille à New-York, où elle retrouve Woody (voir La Chanson de Martin, chroniqué ici) qui l’invite à passer Noël dans une « Merry House », pleine de musiciens et d’enfants. Dans ce lieu enchanteur et utopique, elle découvre l’histoire de quelques féministes américaines qui ont fait avancer la cause des femmes. Puis Rose se réveille, passe Noël en famille, compose sa première chanson, et contribue à changer les relations filles-garçons à l’école.

On retrouve avec grand plaisir Rose et son petit monde : Woody, Kaïna, Tiagio dans cette histoire qui mêle avec bonheur petite histoire et grande histoire, réel et fantastique, paroles et musiques. Il y est question de la longue histoire de l’émancipation des femmes, et ce n’est pas rien d’écouter ce CD et d’écrire cette chronique à l’heure où en Iran des femmes osent se soulever. C’est bien la question de l’égalité entre filles et garçons dès l’école, dans le partage de la cour, mais aussi du partage des tâches ménagères, des Américaines qui se sont battues pour aller à vélo, avoir le droit de vote. Ces figures féminines, dont l’action est parfois racontée, mais qui sont parfois juste évoquées par leur nom, deviennent des modèles à suivre pour Rose, toujours guidée par Woody qui fait figure de mentor bienveillant à ses côtés. Mais rien de didactique dans cette histoire où prime la musique – folk bien sûr – pour chanter la vie, la promesse d’un monde meilleur, et unir tout le monde, toutes générations confondues, dans un partage de générosité symbolisée merveilleusement par cette fête de Noël multiculturelle, scène ouverte où chacun vient à son tour chanter. Avec humour, certaines chansons dénoncent les stéréotypes des cadeaux genrés liés à Noël. On apprécie aussi la chanson de Rose, intitulée notre école, beau plaidoyer pour une école des rencontres, des envies, du partage : une école vraiment à l’image de la société que Rose – mais elle n’est pas la seule – souhaite. Ce CD revisite la magie des contes de Noël : il en conserve les ingrédients principaux, la neige, le rêve, l’univers des souhaits, mais il imprime à celui-ci une résonnance toute particulière avec notre société. A l’image de Rose, qui, dès ses premiers mots, dit son amour pour les histoires qui permettent d’entrer dans l’intimité des gens et de mieux les connaitre, cet album dit comment chacun peut inscrire son action individuelle dans une Histoire qui le dépasse. On apprécie aussi le côté bilingue de cet album, où nombre de chansons sont en américain, traduites sur le livret d’accompagnement, façon de donner à entendre, mais aussi à lire le contenu engagé de ces textes.

Un album audio juste, qui donne à voir l’ouverture au monde d’une enfant de 10 ans, qui se découvre héritière de celles qui l’ont précédée pour qu’elle puisse avoir une vie meilleure qu’elles, et qui entend à son tour œuvrer dans ce sens.

On pourra entendre un extrait sur le site des éditions Trois petits points : https://www.troispetitspoints.audio/