C’est ce soir
Clémence G
A pas de loups 2022
Objectif lune
Par Michel Driol
Une poule pleine d’entrain part à la rencontre de ses amis, 1 oie, 2 ours, 3 cochons… jusqu’à 12 lapins, sans oublier une centaine de fourmis et leur donne rendez-vous ce soir. Mais pour quoi faire ? Pourquoi, dans leurs galeries, les fourmis transportent-elles des tubes plus longs qu’elles ? Et quel est le rôle de cet oiseau fantaisiste qui fait l’acrobate d’une page à l’autre sur les fils électriques ? Tout ce petit monde se retrouve donc le soir, pour un compte à rebours suivi d’une magnifique pyramide d’animaux en direction de la lune, les tubes des fourmis servant à construire l’échelle.
C’est d’abord un album à compter les animaux jusqu’à 12, mais aussi jusqu’à 100 pour les fourmis. C’est ensuite un album en randonnée et à énigme, invitant le lecteur à se questionner sur ce qui va se passer ce soir, secret partagé par tous, sauf le lecteur ! C’est enfin un album sur l’entraide qui permet grâce à l’union de réaliser ses rêves et de tenter de toucher la pleine lune. L’album est porté par un graphisme plein de couleur, de vie et de fantaisie. Les doubles pages en format paysage regorgent de détails à découvrir, comme ce minuscule escargot récurrent. Il faut enfin déplier un volet pour découvrir dans son ensemble la majestueuse pyramide. Le style plutôt naïf de la représentation des animaux, les paroles sagement enfermées dans des bulles donnent à lire une sorte de bande dessinée au dénouement inattendu, poétiquement absurde.
Autour d’un personnage exalté, un album qui suit le rythme d’une journée, joue sur les variations des modes d’invitation, sur l’attitude des différents animaux, pour célébrer les plaisirs de l’entraide et rendre hommage à la nature.
Dès le titre, tout est dit… L’auteur présente les vers de terre qui se succèdent dans l’histoire : peu de différences entre eux, des lunettes sur l’un, une couleur sur l’autre. Histoire minimale illustrée par des vers de terre (normal, l’auteur répète à l’envi qu’il ne sait dessiner rien d’autre), l’un chevauche une licorne (non dessinée, évidemment). Un horrible drame survient : l’un d’eux se fait couper en deux… Un autre part au petit coin. Et tous les dix se réunissent. Voici un album à compter, ou du moins à utiliser la comptine numérique car chaque vers de terre est désigné par son numéro, avant de les trouver réunis sur la dernière page (ce qui illustre le nombre 10). On est sensible à l’humour de l’album : modestie de l’auteur, qui dessine des vers de terre minimalistes, mais leur prête des sentiments, des aventures, ce qui bien sûr ne se voit pas. L’ensemble de l’album est conçu sur le mode de l’adresse au lecteur : un « je » s’adresse à un « vous », commente ses dessins, les explique par des considérations matérielles (la perte du feutre rose par exemple).
L’album à compter, comme l’abécédaire, « s’est peu à peu libéré du carcan pédagogique pour investir sans doute un autre territoire : celui de la création », pour « se métamorphoser, entrer en littérature » et devenir « une invitation à la rêverie, à la quête – plaisante, inédite, voire déroutante et subversive – du monde des mots [et des nombres, en l’occurrence] et de ses représentations imagées » (2).