24 décembre

24 décembre
Arthur Drouin – Geneviève Desprès
D’eux 2022

Noël animalier au Pôle Nord…

Montmartre le renne veut à tout prix fêter Noël comme chez les humains, selon ce que son cousin Nez-Rouge lui a raconté. Alors, avec l’aide d’un lièvre, d’un ours, d’un pingouin, d’une morse, d’un renard, il prépare tout pour que le gros monsieur barbu vienne leur apporter des cadeaux : une cheminée de neige, un poisson en guise de gâteau, des chaussures en guise de chaussettes et un arbre. C’est au retour de sa tournée que leur voisin, le père Noël, trouve quelques cadeaux bien rouges à leur faire, sans oublier de leur laisser une lettre d’invitation pour le Noël suivant !

C’est un album familial, puisque Geneviève Desprès a demandé à son fils d’imaginer l’histoire à partir de quelques animaux qu’elle avait dessinés dont le renard. C’est un album familial aussi, c’est-à-dire à lire en famille, de préférence le 24 décembre. Bien au chaud, on appréciera alors l’humour, la drôlerie et la finesse de ce récit en randonnée dans lequel des animaux bien typés vont imiter et s’approprier les rites de Noël. En effet, chaque animal a ses traits de caractère : la vivacité à fleur de peau de Fanny, la petite lièvre, la science de Montmartre, qui s’est déjà entouré les bois de gui, la timidité d’Esmé le pingouin…, traits de caractère qui sont à la fois portés par le texte et par les illustrations qui confèrent à ces animaux attendrissants des regards tout à fait expressifs et humains. Au cœur des plaines glacées du grand Nord, on admire ces amis et leur ingéniosité, leur façon de tout faire pour que le rite ait lieu, avec les moyens du bord et une dose incroyable de bonne volonté… et il en faut pour faire accepter au renard grognon de prêter un arbre ! C’est un album qui décline à sa façon la magie de Noël, avec ce qu’il faut de coopération pour préparer une fête, et ce qu’elle apporte de lien entre tous dans la célébration improbable de cette veillée où on se raconte des histoires drôles jusqu’au point de tomber de sommeil. C’est enfin un album à la chute à la fois attendue et plaisante. Bien sûr que dans cet univers le père Noël ne pouvait qu’être leur voisin, et l’album n’hésite pas à nous faire découvrir sa maison contemplée par les six animaux stupéfaits, et bizarrement accoutrés de leurs cadeaux, qui d’un cache nez, qui de chaussettes… Avant de refermer l’album, on comparera les images des animaux sur les pages de garde, avant et après Noël… et on se souhaitera de passer un Noël aussi Noël et aussi plein de surprises qu’eux !

Une histoire qui célèbre l’entraide, l’amitié et fait la part belle au rêve et à la magie de Noël, avec cette dose d’optimisme, d’humour et de vie venue du Québec qui fait du bien !

Tout doux

Tout doux
Gaetan Dorémus
Rouergue, 2018

Rouge et bleu

par Anne-Marie Mercier

Sur le principe du froid et du chaud, représentés par le bleu et le rouge, une histoire nous est racontée, celle d’un ours solitaire sur la banquise, dont le monde fond peu à peu.  Comme un réfugié climatique, il part…

Après un long chemin de froid et de chaud, il trouve une nouvelle maison, une compagne, le printemps,  l’été, et après un automne « tout doux », un enfant. Mais « tout doux » c’est aussi  le petit ours, nommé ici « Tiedy Bear »… Serait-ce l’origine de tous les ours en peluche ?
L’opposition de contraires amène la transformation : le froid et le chaud, le sec et l’humide, le haut et le bas, le masculin et le féminin,  le un et le deux…. Les maisons de glace ou de bois, le  fil des saisons, le temps pour faire un enfant, tout cela tient dans cette histoire, avec un fil rouge, celui d’une écharpe empruntée à un bonhomme de neige (tous les symboles de l’hiver sont là), et cette écharpe est… rouge évidemment !
Les images de Gaetan  Dorémus sont à la fois très simples et très riches : formes  juste dessinées, ou coloriées, crayonnées, diverses nuances de bleu et de rouge, vastes paysages nocturnes, petits intérieurs vus en transparence…  La narration, très concise (quelques mots, pas plus, des phrases nominales uniquement), exprime des idées simples, des constats et sensations ; mais les  personnages, muets mais très expressifs, disent l’inquiétude, l’effroi, la tristesse, le contentement, la surprise. Et cette histoire qui évoque au passage des sujets graves (pour le lecteur adulte) finit… tout en douceur.
Allez, hibernons encore un peu !

Mäko

Mäko
Julien Béziat

L’Ecole des loisirs (Pastel), 2011

La carte fait le menu

Par Matthieu Freyheit

MäkoMäko est un morse du pôle. C’est aussi un artiste, qui à partir de ses observations des fonds marins sculpte la glace des surfaces, faisant naître une cartographie givrée des profondeurs. Dressant, surtout, une carte des coins à poisson, facilitant la pêche des animaux de la surface. Sauf que. Sauf que réchauffement oblige, les sculptures de Mäko disparaissent, emportées par la dislocation des glaces. Et tandis que les sculptures disparaissent, les poissons les accompagnent, chassés eux aussi par le changement climatique en cours. À la disparition des poissons répond la multitude des prédateurs, phoques et pingouins, qui au centre de l’album apparaissent dans une double page qui démultiplie les regards angoissés devant la faim qui gagne les ventres. La famine, de fait, n’appartient pas qu’au genre humain. Mais l’album ne cherche pas la dramatisation et tente d’offrir par l’imaginaire une réponse impossible à un sinistre annoncé. Mäko imagine une baleine, et la baleine apparaît, remplie des poissons qu’elle déverse en offrande aux affamés. Mais le miracle ne se reproduit pas nécessairement : le morse finit par sculpter des poissons imaginaires, et les océans se dépeuplent autant qu’ils continuent sous son effort d’être peuplés de rêves de vie. Ce bel album, aux tracés proches d’un style présent dans la bande dessinée, décline en couleurs froides la vie de la banquise, comme sa lente dérive.