Le Fils de l’ombre et de l’oiseau
Alex Cousseau
Rouergue, 2016
Rêves de vol en Patagonie
Par Anne-Marie Mercier
Deux légendes se croisent dans ce récit, celle des mythes autour des premiers hommes volants et des débuts de l’aviation, et celle de Butch Cassidy, réputé mort dans une embuscade en Bolivie en 1908, mais qui réapparait dans ce roman en 1916, au Chili, avec dans sa poche un plan dessiné en 1868 par le père des deux derniers héros de l’histoire, plan qui indique l’emplacement d’un coffre en bois de rose…
Le rêve du vol hante de nombreux personnages de cette histoire qui met en scène plusieurs générations, entre l’île de Pâques et le continent sud-Américain et bien au-delà : Poki, la grand-mère d’Elias et Elie, est partie de son île en suivant le conseil d’une statue, géant de pierre couché dans l’herbe. Devenue déjà « Femme-oiseau » en suivant les rites de son île, elle s’envole « réellement » en se fabricant des ailes, comme Icare et Dédale et arrive sur un rocher en plein pacifique. Elle y rencontre très brièvement Peter Schlemihl, l’homme qui a perdu son ombre (sorti du récit de Chamisso, publié en allemand en 1813), puis erre jusqu’à aborder sur la côte du Chili, où elle donne naissance à un fils. Celui-ci devra réaliser sa quête : ramener une forêt sur l’île de Pâques. Pawel parcourt tout le continent, tombe amoureux, travaille dans les mines, est accusé de meurtre, fuit… Toujours pris pour un autre, toujours emporté dans des quêtes qui ne sont pas les siennes, ce fils a l’air d’une ombre, celle sans doute qu’avait perdue son père. Il y a un peu de l’errance de Candide, avec des rebonds multiples, la gravité de l’exploration du malheur humain, mais la poésie en plus et l’humour en moins. Ses deux fils reprennent son errance, et les fils du récit se renouent à la fin après bien des détours superbes.
Le roman, qui couvre plus de 400 pages, a aussi quelque chose de Cent ans de solitude, avec l’empilement de générations, de légendes familiales, de personnages secondaires marquants, et deux chevaux qui semblent n’en faire qu’un. Impossible à résumer, difficile à lâcher, déroutant, il a des charmes mystérieux.