Lettres des îles Baladar
Jacques Prévert, André François
Gallimard jeunesse (1952), 2024
Iles, éternels refuges
Par Anne-Marie Mercier
On ne raconte pas les Lettres des îles Baladar. D’abord parce que c’est un album bien connu (qui méritait amplement d’être réimprimé, merci Gallimard !), ensuite par ce que l’argument en est très simple et que sa saveur tient au rythme, au style, à sa gravité et à sa légèreté.
Un archipel ignoré du grand continent vit heureux, en autosuffisance, jusqu’au jour où sur le « Grand Continent » on apprend qu’il s’y trouve de l’or. Invasion, destruction, soumission, révolution et enfin expulsion rythment l’histoire. C’est le modèle de bien des histoires coloniales, à ceci près qu’ici la fantaisie, la drôlerie et l’optimisme gagnent toujours. Le mal y est défait pour toujours. De tous les apports des colons, seul le cinéma est gardé, et encore, un cinéma que les habitants font eux-mêmes et non celui qu’on leur vend.
Les dessins en bichromie d’André François accompagnent parfaitement le style de Prévert. Proches du graffiti, ils dressent des portraits savoureux des personnages, du grand méchant (le Général Trésorier de Tue Tue Paon Paon) à son adversaire, le singe Quatre-mains-à-l’ouvrage, le balayeur de l’île qui devient son sauveur.
Pépite à lire et relire et à offrir à tout âge, pour tous les âges.