Le Cauchemar du Thylacine

Le Cauchemar du Thylacine
Davide Calì, Claudia Palmarucci
Traduit (italien) par Béatrice Didiot
La Partie, 2021

Sur l’île des animaux disparus

Par Anne-Marie Mercier

Si ce qui frappe au premier abord dans cet album ce sont les superbes images de Claudia Palmarucci, l’extrême lisibilité et la mise en page, soignée et variée, l’histoire elle-même mérite aussi qu’on s’y arrête encore plus.
Le docteur Wallaby exerce dans la « forêt sans nom », « entre le marais des désirs et la cascade du temps perdu ». C’est un kangourou ; il soigne les animaux tourmentés par de mauvais rêves. Arrive un Thylacine (appelé aussi loup marsupial, loup de Tasmanie ou encore tigre de Tasmanie), dont le rêve n’appartient à aucune des catégories connues par le docteur, pourtant spécialiste de la question. Après quelques tâtonnements, le Wallaby découvre que ce rêve appartient à ceux des fantômes des animaux disparus et emmène le Thylacine (dont la disparition a été constatée en 1936) sur l’île des ombres où il retrouvera les âmes de ses pareils.
Ce récit qui pourrait être funèbre est au contraire plein de vie : la description et la classification des rêves est très inventive, détaillée. Elle est mise en image de façon souvent cocasse, toujours belle, et les clins d’œil ne manquent pas, depuis les personnages étranges inspirés de Jérôme Bosch (Le jugement dernier, fin XVe-début XVIe s.) aux paysages symbolistes comme celui d’Arnold Böcklin (l’île des morts, 1880).
Réflexion sur les rêves et superbe tentative pour saisir l’insaisissable, c’est aussi un plaidoyer pour la protection des espèces en danger : plusieurs pages, à la fin de l’album, les montrent dans toute leur diversité, de l’éléphant à l’insecte, du gecko de Chine  à l’ours brun des Apennins en Italie, en passant par le zèbre de Grévy, au Kenya.

La Partie est une jeune maison d’édition, créée en 2021, qui propose des « livres illustrés pour tous les âges ». La profession de foi inscrite sur leur site est prometteuse :
« La Partie propose à ses lecteur·rice·s de l’étonnement, du réconfort et parfois même du trouble. Convaincues par les vertus du merveilleux et de la rigueur, nous souhaitons donner à lire des textes et des images qui questionnent et offrent à rêver, pour contribuer à la construction de lecteur·rice·s émancipé·e·s. » (https://www.lapartie.fr/la-maison)
Promesse pleinement réalisée par cet album ; on voit également sur leur site https://www.lapartie.fr/ que de nombreux albums, inventifs sans être superficiels, engagés sans être donneurs de leçons, sont déjà publiés.
Bienvenue à La Partie !

 

 

A la mer

A la mer
Emma Giulani
(Les grandes Personnes) 2021

Raconte-moi la mer

Par Michel Driol

On retrouve Prune et Robin – les deux personnages de Au jardin –  au bord de la mer. Ce documentaire animé les conduit dans les dunes, sur le plage, au port, à bord d’un bateau, sur une ile, puis enfin au départ d’une expédition océanographique.

On découvre ainsi une véritable encyclopédie de l’univers maritime, avec sa flore, sa faune, mais aussi les techniques spécifiques liées à cet univers : la signification des bouées, le fonctionnement d’un phare, ou encore la valeur des pavillons de marine. Il s’agit donc d’un ouvrage documentaire très complet, qui répondra à de nombreuses questions que se posent les enfants. La présentation est soignée et ludique, avec de nombreux rabats à soulever qui rendent cette exploration attrayante. Les textes sont accessibles dans leur syntaxe, mais ont parfois recours à un lexique de spécialiste en général bien reformulé pour le mettre à la portée des lecteurs et des lectrices. Les illustrations, souvent conçues à la façon d’un imagier, sont précises et pleines de détail.

Un documentaire animé, pédagogique, de très grand format, qui se termine en insistant sur les dangers courus par la mer et les animaux marins.

ABC de la nature

ABC de la nature
Bernadette Gervais
Les grandes personnes, 2020

Un abécédaire pépite

Par Anne-Marie Mercier

En ce moment se tient à distance le salon dit « de Montreuil » ou SLPJ (pour participer voir la page « actualité » de lietje) et il a décerné ses prix comme chaque année. Pour la catégorie des Livres illustrés, c’est cet album qui a remporté la «pépite».

Ainsi, après les grands livres à rabats très remarqués aux salons précédents que sont Axinamu, Dinorauses, Nacéo et Oxiseau, l’ABC en relief, et d’autres encore, publiés avec Francesco Pittau, parus aux Grandes Personnes et réédités cette année chez le même éditeur, Bernadette Gervais publie sous son seul nom (mais avec son prénom) un autre grand album remarquable et remarqué.
A priori, réaliser un abécédaire de la nature n’a rien de très original. Mais on peut objecter que l’originalité n’est pas une qualité essentielle, surtout pour les albums pour les petits (pour qui voudrait-on être original?) et que cet album l’est pourtant, à plusieurs égards. Son grand format en fait un bel objet (27 X 37 cm  avec 64 pages), imprimé magnifiquement avec des couleurs denses sur un beau papier fort. Il propose pour chaque double page trois à six images illustrant la lettre choisie et représentée en majuscule et en minuscule. Ces représentations sont choisies dans le règne animal comme dans le végétal, du doryphore à l’éléphant ou de la groseille au yuzu, mêlant images et mots connus avec d’autres, inconnus des enfants – et parfois même des parents.
Bernadette Gervais a multiplié les techniques pour présenter cette « leçon de choses » : pochoirs, peinture à l’éponge… d’autres ont une précision photographique proche du trompe-l’œil. La suavité de certaines harmonies côtoie des oppositions de tons franches. L’ensemble est magnifique : un futur classique ?

Le voir sur le site de l’éditeur