Chasseur de glace

Chasseur de glace
Séraphine Menu – Marion Duval
La Partie 2024

On y nait et on y vit, ou bien on s’enfuit

Par Michel Driol

Youri vit avec son père sur les bords du lac Baïkal, en pleine Sibérie. Il constate que la plupart des habitants sont partis, vers des terres plus hospitalières. Parfois il aide son père à découper des blocs de glace, qui fournissent l’eau potable en hiver. Pas loin, il y a, sous des yourtes, dans une communauté bouriate, une petite fille avec laquelle il rêve de s’installer, quand il sera plus grand, que la vie reviendra autour du lac.

Voilà un album aussi beau que difficile à classer. Documentaire, certes, par certaines pages qui présentent la faune, la flore du lac Baïkal, ou donnent des informations précises. Portrait d’un enfant, dont la mère est morte à sa naissance, élevé par son père. Rêverie autour de la Sibérie, du froid, de l’immensité glacée magnifiée par les métaphores d’un texte d’une grande fluidité qui fait passer, sans accroc, de la poésie la plus pure aux listes documentaires, assumant ainsi un double discours, scientifique et littéraire. Les illustrations de Marion Duval, réalisées à l’acrylique, jouent aussi  sur un double registre. D’une part, certaines planches documentaires permettent d’identifier végétaux ou animaux, d’autre part d’autres doubles pages font pénétrer dans l’intimité de l’isba où grandit Youri. Ce qui frappe et émerveille avant tout, c’est le jeu avec la lumière, les irisations bleues, roses, jaunes dans le ciel, les hommes perdus dans cette immensité blanche, comme féérique et magique.

Un album particulièrement réussi, qui donne à voir ce pays de chamans, pays où se croisent différentes communautés, pays riche d’un écosystème original,  avec poésie et rêve d’avenir… à hauteur d’enfant. Comme une histoire que le père de Youri raconterait pour lutter contre le froid mordant.

Tout doux

Tout doux
Gaetan Dorémus
Rouergue, 2018

Rouge et bleu

par Anne-Marie Mercier

Sur le principe du froid et du chaud, représentés par le bleu et le rouge, une histoire nous est racontée, celle d’un ours solitaire sur la banquise, dont le monde fond peu à peu.  Comme un réfugié climatique, il part…

Après un long chemin de froid et de chaud, il trouve une nouvelle maison, une compagne, le printemps,  l’été, et après un automne « tout doux », un enfant. Mais « tout doux » c’est aussi  le petit ours, nommé ici « Tiedy Bear »… Serait-ce l’origine de tous les ours en peluche ?
L’opposition de contraires amène la transformation : le froid et le chaud, le sec et l’humide, le haut et le bas, le masculin et le féminin,  le un et le deux…. Les maisons de glace ou de bois, le  fil des saisons, le temps pour faire un enfant, tout cela tient dans cette histoire, avec un fil rouge, celui d’une écharpe empruntée à un bonhomme de neige (tous les symboles de l’hiver sont là), et cette écharpe est… rouge évidemment !
Les images de Gaetan  Dorémus sont à la fois très simples et très riches : formes  juste dessinées, ou coloriées, crayonnées, diverses nuances de bleu et de rouge, vastes paysages nocturnes, petits intérieurs vus en transparence…  La narration, très concise (quelques mots, pas plus, des phrases nominales uniquement), exprime des idées simples, des constats et sensations ; mais les  personnages, muets mais très expressifs, disent l’inquiétude, l’effroi, la tristesse, le contentement, la surprise. Et cette histoire qui évoque au passage des sujets graves (pour le lecteur adulte) finit… tout en douceur.
Allez, hibernons encore un peu !

Dragon de glace

Dragon de glace
George R. R. Martin
Illustrations de Luis Royo
Traduit (anglais) par P. P. Durastanti
Flammarion, 2015

L’enfant des neiges

Par Anne-Marie Mercier

La littératudragondeglacere de jeunesse profite des modes de tous les secteurs, et notamment ici de celui de la fameuse série télévisée, « Le trône de fer » (Game of thrones) de George R. R. Martin, auteur de ce petit conte. Les amateurs de la série seront peut-être déçus (mais est-ce le même public ?), même si le monde dans lequel se déroule cette histoire est assez proche de celui qu’ils connaissent : des dragons, des armées qui se font la guerre et des paysans qui n’en peuvent mais, et l’hiver qui s’est installé, tout cela nous rapproche de l’univers de sa grande saga romanesque.

Une petite fille est au cœur de l’histoire. Née un jour de grand froid, provoquant la mort de sa mère, elle a elle-même un corps et un cœur froids. La froideur de son corps lui permet de jouer dans la neige avec les animaux de l’hiver et de lier amitié avec un dragon de glace. La froideur de son cœur lui fait quitter sa famille au moment où celle-ci est menacée, mais que l’on se rassure, il se réchauffera. La fin de l’histoire est à la fois un dénouement heureux et une explosion grandiose en forme de lutte entre le feu et la glace : on retrouve le souffle épique de l’auteur, fort bien traduit dans un récit en phrases courtes et simples, mais précises et souvent belles.

C’est une réédition, parue chez actuSF en 2011, le livre sera en librairie à partir du 14 octobre.