Chroniques du Graal

Chroniques du Graal (Lancelot, Perceval, Yvain)
Anne-Marie Cadot-Colin
Hachette, 2012

Et propter fidem (1)

Par Christine Moulin

5300742-7909627Quelle belle adaptation ! Sans gras, moderne sans racolage, elle raconte la geste du roi Arthur et de ses chevaliers, en respectant sans servilité mais avec fidélité (l’auteur enseigne depuis plus de trente ans la langue et la littérature du Moyen Âge à l’université de Bordeaux, ceci explique sans doute cela) l’œuvre médiévale, ou plutôt les œuvres médiévales: cette version se réfère, en effet, à Chrétien de Troyes, le thème de la culpabilité en moins, mais aussi au Lancelot en prose, du XIIIème siècle. Ainsi, il n’est pas rare d’avoir l’impression d’avoir affaire à une traduction. C’est particulièrement vrai dans les scènes de combat (« Lancelot le frappa alors si durement qu’il lui fendit la tête en deux jusqu’aux dents, le laissant mort au milieu de la chaussée ») mais toute l’atmosphère est délicieusement arthurienne: les caractères sont généralement dessinés à gros traits tandis que certaines réactions laissent place à une grande subtilité psychologique; les chevaliers, condamnés à l’errance, sont mus par leur impétuosité, leur sens de l’honneur et vivent toutes leurs émotions de manière superlative; ce n’est que reconnaissances, rencontres hasardeuses, magie, « nigromance », amour, combats, vengeances, exploits…

Toutefois il n’est pas rare que le texte soit « monté » (comme on parle de montage au cinéma) de façon très contemporaine: la narration adopte le rythme d’un jeu vidéo, avec ses « niveaux », ses obstacles à franchir pour triompher de l’épreuve (cf. « La mauvaise coutume », p.58) ou bien on assiste à un montage alterné du plus bel effet (lors de l’enlèvement de Gauvain, par exemple). Les épisodes, brefs, s’enchaînent avec rapidité et détermination. Tout cela n’empêche pas qu’il y ait des passages plus didactiques, qui donnent sans pesanteur les clés culturelles aux lecteurs qui n’auraient pas baigné dans la littérature du moyen-âge depuis leurs plus tendres années: c’est ainsi, par exemple, que dès les premières pages, on découvre les fondements de la chevalerie. Cela permet de connaître les valeurs qui fondent l’univers des histoires que l’on va lire. Même équilibre entre modernité et tradition sur le plan de l’écriture: le style est clair, facile, presque transparent, avec de ci de là, quelques mots surannés pleins de charme: « Ainsi fut fait le premier accordement de Lancelot et de la reine. Il fut l’œuvre de Galehaut. »
De plus, au-delà des épisodes « obligés », que l’on a plaisir à retrouver, on en découvre d’autres moins rebattus, comme celui de la fausse Guenièvre.
On ne peut donc que conseiller cette version des aventures arthuriennes aux jeunes lecteurs qui voudraient s’y initier sans pour autant affronter les textes originaux (toutefois, pour des élèves de cinquième, un accompagnement est sans doute nécessaire, Montella étant plus accessible en lecture cursive, il me semble : voir Graal noir et  Le chevalier sans nom).

(1) et à cause de sa fidélité

Gregor, livre III : La prophétie du sang

Gregor, livre III : La prophétie du sang
Susanne Collins
Traduit (USA) par Laure Porché
Hachette, 2012

 Par Anne-Marie Mercier

Gregor3Troisième prophétie, troisième aventure de Gregor et de sa petite sœur Moufle au pays sous terrain où humains, araignées, chauve-souris, rats et cafards géants cohabitent plus ou moins bien. Cette fois, c’est la mère de Gregor qui se trouve embarquée avec eux. Gregor et ses amis devront affronter une terrible jungle pour trouver de quoi la sauver et sauver tous les sous-terriens d’une terrible épidémie de peste.

Ce qui commence et se déroule dans sa plus grande partie comme un récit d’aventure classique et bien tourné se retourne en fin de volume dans un stratagème astucieux : ces prophéties fonctionnent comme des devinettes dont la résolution arrive progressivement mais surprend toujours. Enfin, les découvertes finales montrent que les familles peuvent se déchirer gravement et que les politiques sont bien machiavéliques : y aurait-il un rapport avec notre monde ?

La science fiction et la fantasy qui se plaisaient tant dans les airs ont aujourd’hui un tropisme vers le sous sols : voir Nox d’Yves Grevet. Certes, Jules Verne avait essayé les deux éléments (et avait ajouté l’eau), mais on peut se demander aussi si cela a un rapport avec notre époque.

Voir les chroniques des livre I et livre 2

Gregor, t. 2 : La prophétie du fléau

Gregor, t. 2 : La prophétie du fléau
Suzanne Collins
traduit (anglais, USA) par Laure Porché
Hachette, 2012

Répétitions et variations

Par Anne-Marie Mercier

Nouvel engloutissement sous la terre, nouvelle mission, nouvelle prophétie, ce volume reprend les éléments du précédent avec des variations : ce n’est plus son père que cherche Gregor, au pays des rats géants, des chauves-souris et des cafards, mais un ennemi redoutable et inconnu (le « fléau »), sa petite sœur est de plus en plus menacée (et jugée morte comme d’autres amis après un combat terrible contre de monstres marins), le voyage sous terrain se fait sur l’eau et non en volant à dos de chauves-souris.

Il y a de nombreux renversements : on tombe dans des dangers inattendus, tandis que ceux que l’on appréhendait se dissipent, des disparitions et réapparitions, du suspens et de l’humour (les vers luisants sont assez bien vus, tout comme la rate asociale), des moments de psychologie (avec le mélancolique Ares).

Et après cela, retour à la case départ, en attendant la nouvelle mission. La structure évoque celle de Narnia: deux univers parallèles et des héros qui naviguent de l’un à l’autre en des épisodes autonomes mais qui se souviennent des précédents.

Vampire City

Vampire City 
Rachel Caine

Traduction (anglais, USA) par Alice Delarbre
Hachette, 2010

Un épisode de « Friends » façon « bit-lit »

 par Christine Moulin

vampirecity.jpgLa « bit lit », n’est-ce pas ?, c’est cette littérature destinée principalement aux adolescentes, qui, dans le sillage plus ou moins commercial de Twilight, raconte les amours contrariées d’une jeune fille avec un vampire. Elle a même son site !

Dans Vampire city, nous avons les ingrédients du genre : une jeune fille, des vampires, un beau jeune homme, une maison victorienne et hantée. Mais cela fonctionne ! En effet, finalement, la description de la colocation est agréable (Claire, l’héroïne un peu « coincée » au départ s’émancipe rapidement), le rythme est enlevé, l’action ne faiblit guère. Bref, on se surprend à dévorer (c’est le mot…) une page, puis l’autre, et à attendre la suite, qui ne saurait tarder !!