Plus drôle que toi

Plus drôle que toi
Rebecca Elliott
Gallimard jeunesse 2021

Stand-up obsession

Par Michel Driol

Haylah est un en surpoids… d’où son surnom de Truie, qu’elle accepte, voire revendique. Elle adore faire rire, et rêve de faire du stand-up. Elle vit avec sa mère, infirmière de nuit, et son petit frère. Lorsqu’elle découvre, dans son établissement scolaire, que Leo, un jeune homme séduisant, doit participer à une compétition de stand-up à Londres, elle se débrouille pour lui faire passer des idées. Haylah tombe amoureux de Leo, les deux ados se voient pour lui écrire son nouveau spectacle. Mais Leo est-il amoureux d’elle ou profite-t-il d’elle ? Et Haylah osera-t-elle monter sur scène à son tour ?

Ce roman aborde bien les problématiques actuelles de la jeunesse : la question de l’attente sociale, à laquelle en particulier les filles doivent se soumettre : peut-on être trop grosse ? Trop intelligente ? Et si on est trop belle, n’est-on qu’une bimbo ? Cette question du regard des autres qui empêche d’être soi-même traverse et déchire le trio d’amies constitué de l’héroïne et de ses deux plus proches copines. C’est aussi la question du harcèlement scolaire, qui s’en prend aux plus vulnérables, à celles et ceux qui ne sont pas dans la norme (physique, sociale). C’est la question des rapports filles-garçons, de la confiance qu’on peut s’accorder ou de l’exploitation et de la manipulation dont les unes peuvent être victimes. Mais aussi l’arrière-plan d’une famille monoparentale, de la volonté de protéger sa mère, au risque de culpabiliser parce qu’on lui  a fait perdre un nouvel amour, et un nouveau départ. On le voit, ce roman parle de notre monde, d’un univers bien socialement situé dans des familles d’une petite classe moyenne (infirmière, patron de pub) sans complaisance, mais avec bienveillance et humour. Cela vient d’abord du récit, conduit à la première personne par l’héroïne, qui jette sur elle-même  et les autres un regard lucide, cherchant à travers le phénomène du stand-up un ton particulier pour rendre compte de la vie, des relations, un ton à la fois comique et distancié. Cela vient ensuite des situations qui s’enchainent avec rythme et montrent l’héroïne peu à peu faire sa mue, et de Truie devenir Haylah, murissant pour d’assumer sa véritable personnalité sur une scène de stand-up, prenant ainsi sa revanche contre toutes celles et ceux qui l’ont humiliée.

Un roman qui parle avec finesse de la difficulté d’être adolescente aujourd’hui, lorsqu’on ne ressemble pas aux autres. Un hymne à la différence, quelque part ! Une suite est annoncée, que l’on lira avec plaisir.

La grande Boussole

La grande Boussole
Isabelle Renaud illustré par Laura Fanelli
Neuf – Ecole des Loisirs – 2021

Trouver la voie…

Par Michel Driol

Tout va mal pour Léo. Son père est au chômage, sa mère semble perdue, ses parents divorcent, et son meilleur ami a l’air de devenir fou… Pour remettre de l’ordre dans tout cela, et trouver la bonne voie, Léo a un objet magique : la boussole qui a servi à son aïeul républicain espagnol à traverser les Pyrénées.

Le roman brosse, avec humour, le portrait en actes d’un enfant qui perd ses repères familiaux et amicaux dans une famille qui se disloque. Il insiste sur sa façon de tenter de permettre à ses parents de se réunir autour de la musique, de leur propre passé. Tout est vu à sa hauteur : sa méconnaissance du rock, sa façon de mal comprendre et interpréter les mots  qu’il ne connait pas introduisent de la légèreté dans ce roman qui ne bascule vers le merveilleux de la boussole que dans sa tête.  Si le chômage, le burnout, le divorce sont bien présents, rien de lourd dans ce roman : les adultes sont présents, bienveillants, avec leurs rituels et leurs manies. Léo fait partie de ces personnages attachants des romans pour l’enfance, dans lequel nombre de lecteurs se reconnaitront par les jeux et la vision du monde. Quant à la boussole, elle est un bel objet transitionnel, symbole de toute une histoire familiale. Pleines de vie et très colorées, les illustrations mettent l’accent sur des personnages dans tous leurs états.

Un feel-good movie aux personnages sympathiques.

Les Amours de Zeus

Les Amours de Zeus
Soledad Bravi – avec la complicité de Jean Boutan
Rue de Sèvres 2021

La jalousie d’Héra et autres histoires amusantes

Par Michel Driol

Héra, Métis, Séléné, Lamia, Alcmène… On ne compte plus les « conquêtes féminines » de Zeus. Sous forme de bande dessinée, cet album en présente une dizaine, en mettant l’accent sur la façon dont Héra se venge de ses « rivales » et de leur descendance.

Ce sont des dieux et des déesses de la mythologie grecque dont il est question ici, et pourtant l’album met bien en évidence leur comportement dans ce qu’il a de plus humain. D’un côté, la volonté de séduire, conquérir plutôt, suivre ses désirs sans limitation, de l’autre le sentiment de trahison et le besoin irrépressible de se venger. Avec une grande légèreté de ton, et un humour souvent décalé, l’album permet au lecteur contemporain de découvrir ou redécouvrir quelques-uns des grands mythes de l’Antiquité. Chaque épisode est simplifié, et traité en une quarantaine de vignettes expressives, dans lesquelles les personnages parlent  (ou commentent l’action) une langue familière très contemporaine.

A l’heure de Me Too, de « Balance ton porc », peut-on avoir le même regard sur Zeus, premier prédateur sexuel ? Faut-il chercher des circonstances atténuantes dans sa famille : tout commence par son père Cronos, qui mange ses enfants, et dont Zeus veut se venger, continue par le viol de sa mère Rhea, puis l’inceste avec  sa sœur Héra. Tout cela est raconté dans une langue simple, permettant au lecteur de prendre conscience de la monstruosité des personnages évoqués. On apprécie que le mot « viol » soit utilisé, sans que les aventures sexuelles de Zeus ne soient édulcorées. De la même façon, l’image n’hésite pas à montrer, avec décence toutefois, les relations sexuelles et l’horreur des meurtres.  Ces mises à distance, par l’image, le ton, le vocabulaire, permettent au lecteur de mesurer ce qu’il y a d’humain dans ces histoires divines, mais aussi, sans doute, de relire ces mythes au regard de notre actualité.

Un ouvrage plein d’humour et d’allant, à réserver sans doute aux plus grands, pour mieux questionner nos rapports avec les mythes fondateurs.

Pourquoi tu pleux ?

Pourquoi tu pleux ?
Anne Crahay
Didier Jeunesse 2021

La joie venait toujours après la peine

Par Michel Driol

De nos jours, les émotions sont au nombre des sujets les plus traités par la littérature de jeunesse. Cet album prend le parti du pas de côté, du jeu avec la langue, du dialogue imaginaire entre une petite fille et son chat pour aborder, sans les nommer, les sentiments et émotions. Aux questions du chat qui voit qu’elle pleut, la petite fille répond par un vocabulaire météorologique : averse, orage, bourrasque, tempête… jusqu’au cri libérateur et intralinguistique qui met un terme à l’émotion et permet de se consoler avec une tempête de bisous…

Ce dialogue improbable met en scène deux personnages bien caractérisés : un chat naïf et plein de sagesse, une petite fille qui n’a pas les mots pour dire ses émotions, et passe donc par des métaphores. Au lecteur de décoder s’il s’agit de colère, de fatigue, de tristesse, d’ennui… à travers les illustrations expressives et colorées : d’un côté les yeux grand ouverts du chat, de l’autre le visage quasi stylisé de la fillette. Avec poésie et humour, l’album dramatise puis dédramatise donc les larmes. La poésie est bien sûr liée au jeu avec la langue, aux métaphores, à l’amplification ; l’humour vient du dialogue avec le chat, mais surtout des illustrations, dans lesquelles on suivra avec attention les métamorphoses d’un parapluie. Usant de techniques variées (dont le papier découpé), les illustrations entraient les personnages dans des situations tout à la fois quotidiennes et imaginaires.

Un album sensible et poétique dans lequel les lecteurs reconnaitront sans doute différents moments de leur vie.

Le Grignoteur

Le Grignoteur
Frédéric Laurent
Balivernes 2021

Lettre après lettre

Par Michel Driol

Muni d’un impressionnant filet, un chasseur répondant au nom de Robert Larouce s’en prend aux monstres qui se cachent dans les livres, et en particulier au plus redoutable, surnommé le grignoteur, car nul ne peut prononcer son nom. Ce dernier fait peu à peu disparaitre les lettres de l’interlocuteur du chasseur, qui, heureusement, le piège, avant de révéler sa véritable identité : l’ignorance.

Le thème de la disparition des lettres ou des mots n’est pas neuf en littérature pour la jeunesse. On songe bien sûr, parmi d’autres, au coupeur de mots, de Hans-Joachim Schädlich ou à L’Enlèwement du « V » Pascal Prévot. Frédéric Laurent renouvèle d’une certaine façon le genre par la conception graphique de son album. Une lecture verticale d’abord, comme dans Plouf, de Philippe Corentin, permet de distinguer l’espace du chasseur, en bas, de celui de l’interlocuteur invisible, en haut, dont on peut juste lire les propos. Du coup, si le chasseur est bien représenté, avec une apparence très retro, guêtres, fleur à la boutonnière, casque colonial, si le monstre est aussi bien représenté, court sur pattes et grande bouche, l’interlocuteur n’existe que par ses propos, dont petit à petit les lettres disparaissent, les rendant difficiles à comprendre, mais montrant visuellement les dégâts causés par le monstre. Le combat a quelque chose d’épique et de comique à la fois, à l’image de l’échelle improbable sortie du sac à dos…  L’album se caractérise aussi par un jeu avec la bande dessinée, car les phylactères qui entourent ses propos, indique le chasseur, les protègent du monstre. Et, une fois le monstre emprisonné, les paroles du chasseur sont libres d’envahir l’espace de la page, mais en perdant la typographie sérieuse qui les caractérisait (capitales d’imprimerie) pour devenir des lettres bâton bien moins structurées, comme si la liberté découverte avec la disparition du monstre s’accordait avec une façon de communiquer moins officielle pour énoncer la morale de l’histoire : une incitation à la lecture pour combattre l’ignorance. Enfin on se délectera des noms savants (latins) et des affiches très western (wanted) qui illustrent les monstres qui s’en prennent à la langue, et que l’on découvrira sur les dernières pages.

Un ouvrage humoristique pour rappeler l’importance de la maitrise de toutes les lettres, c’est-à-dire de l’orthographe…

Emplettes

Emplettes
Jérémie Fischer
(Les Grandes Personnes) 2021

Epicerie zinzin ?

C’est un dialogue entre une épicière et un client. Bonjour Madame – Bonjour Monsieur – Vous désirez… C’est alors que cela dérape avec des quantités astronomiques de beurre, du poisson, du chien, le tout pour une somme faramineuse en euros… Mais là n’est pas l’intérêt de cet étrange album.

Sous forme d’un carnet à spirale, voici un objet étonnant composé de pages abstraites en deux couleurs, séparées par des feuillets transparents bicolores eux-aussi. Lorsque le feuillet se pose sur une page, un mot apparait, tant au recto qu’au verso, permettant ainsi de lire le dialogue. C’est donc à un jeu sur les transparences, et à une façon quasi magique de faire apparaitre le texte et l’histoire que nous convie Jérémie Fischer, jeune illustrateur qui mise sur la simplicité graphique et le couleurs pour surprendre le lecteur et l’emmener dans son univers humoristique et abstrait.

Un livre objet très graphique pour se laisser surprendre par les formes géométriques, les transparences et les couleurs.

Olga et le cri de la forêt

Olga et le cri de la forêt
Laure Monloubou
Amaterra 2020

La petite fille dans la forêt gelée

Par Michel Driol

Dans la famille d’Olga, on n’arrête pas de déménager, pour le plaisir. Mais lorsqu’elle s’installe avec ses parents dans une étrange maison au bord de la forêt, et qu’elle découvre une minuscule porte dans sa chambre, elle se met à échanger avec le lutin qui l’habite. Pendant ce temps, ses parents, partis se promener dans la forêt voisine, ne rentrent pas. Le lutin la force à aller dans la forêt, en compagnie de Monsieur, le chat fidèle et dévoué. Que vont-ils trouver au cœur de la forêt ?

Voilà un roman qui emprunte nombre de ses codes au conte merveilleux : les personnages de lutins, la forêt, comme lieu sauvage et dangereux, les éléments perturbés (un bruit assourdissant et un froid glacial règnent au cœur de la forêt), mais aussi le personnage de l’ancien occupant de la maison, évoqué dans un retour en arrière, fortement inspiré des méchants u conte, comme les sorcières. Sur ce fond culturel du conte traditionnel, le roman propose une famille à la fois originale par ses nombreux déménagements et banale dans sa composition. On y verra d’abord sans doute un roman d’aventures teinté de merveilleux : une petite fille abandonnée dans une maison inconnue, avec son chat, en compagnie d’un lutin dont on ne sait pas s’il est gentil ou méchant, et qui doit sauver ses parents. On y verra aussi un roman parlant de libération : libération du lutin emprisonné par la méchante, mais aussi libération de la forêt gelée suite à un étrange phénomène, dont on peut venir à bout, de façon à lui redonner vie. Cette forêt, d’où la vie est partie, si elle est bien un écho aux motifs du conte, est aussi un écho à nos préoccupations écologistes actuelles.

L’écriture de Laure Monloubou reprend certains aspects de l’oralité du conte avec  les adresses aux lecteurs. Elle est vive, entrainante, épousant le point de vue d’Olga. C’est elle qui illustre le roman, dessinant ainsi une Olga ébouriffée bien sympathique !

Un roman où  l’humour se conjugue avec l’aventure et le mystère pour le plaisir des jeunes lecteurs.

C’est pas gagné Félipé

C’est pas gagné Félipé
Laure Monloubou
Kaleidoscope 2021

Passion foot à l’épreuve !

Par Michel Driol

Félipé ne parle et ne rêve que de football. Mais lorsqu’il est inscrit au club, il faut bien avouer que, sur le terrain, il ne brille pas. Le jour du match, il reste sur le banc, à son grand soulagement. Mais lorsqu’un joueur est blessé, le voilà obligé de jouer. Et c’est par hasard qu’il devient le héros du match !

Avec l’humour qu’on lui connait, Laure Monloubou fait ici le portrait d’un enfant pris entre ses rêves et la réalité. S’il est loin du ballon sur le terrain, il se vante d’exploits sportifs chez lui, à table.  Le football, il en parle mieux qu’il n’y joue… En même temps, Félipé est tout à fait lucide et honnête envers lui-même et sur ses compétences. Il n’est absolument pas jaloux ou envieux de ses camarades plus forts que lui. On a donc ici le portrait d’un anti héros positif, qui accepte de reconnaitre ses limites. L’album est rythmé entre des doubles pages et des vignettes, qui multiplient l’action. Les paroles, surtout celles de Félipé, se retrouvent dans des bulles façon BD, ce qui donne encore de la vie et du rythme à l’album. Tout commence par une adresse au lecteur, visant à lui faire deviner, en lui présentant la chambre du héros, sa passion, façon peut-être d’impliquer le jeune lecteur pour qu’il s’interroge sur ses passions à lui et leur réalisation.

Un album drôle et plein de pensée positive sur l’acceptation de ses qualités et de ses défauts.

Les Poubelles sauvages

Les Poubelles sauvages
Christine Beigle – Hélène Humbert
Editions du Pourquoi pas ? 2021

Du grand débarras, dont furent faictes grosses guerres

Par Michel Driol

Il y a ceux de la rue Dici, et ceux de la rue Dacoté, qui y jettent leurs ordures et leurs encombrants. Cela va du papier de bonbon au frigo. Jusqu’au jour où ceux de la rue Dici réagissent en jetant leurs ordures rue Dacoté. Et cette situation se répand dans toute la ville, au point qu’un nouveau virus y fait son apparition : couvre-feu, terrains minés, confinement. Qui rétablira l’ordre ? Un enfant, bien sûr, qui conduira les adultes sur la voie des pourparlers et d’un règlement de vie en communauté.

Castigat ridendo mores… Elle corrige les mœurs par le rire. Voilà un album qui pourrait faire sienne cette définition de la comédie tant, sur un sujet grave, il amuse son lecteur par de multiples trouvailles et jeux. Jeux sur les noms, que ce soient ceux des rues ou des personnages, façon Monsieur Madame de Roger Hargreaves. Jeux sur les mots, comme cette étiquette Poubelle la ville. Jeux sur les inventions et machines de guerre, poches à douille et autres catabalayettes, que l’illustratrice se fait un malin plaisir à représenter. Jeux sur le récit, qui à la fois reprend un schéma classique, celui de l’escalade, mais joue avec son lecteur aussi, avec en particulier un savoureux résumé,  schéma récapitulatif pour ceux qui sont perdus. Jeux sur les caractères, avec ces caricatures de personnages, comme celle de la commère prompte à vouloir appeler la police qui va se muer en redoutable cheffe de guerre. Jeux avec les illustrations, qui reprennent les techniques de ces publicités des années 60. Jeux enfin avec la façon de mêler narration et illustration, qui donnent à voir des listes de déchets à jeter sur lesquelles on s’inscrit,  ou des rues encombrées de déchets sur lesquels figure l’heure de dépôt… Bref, voilà un ouvrage plein d’imagination qui prend le parti de faire rire pour mieux faire réfléchir, au lieu de dramatiser.

Comme le dit un oiseau avant de s’envoler : « Elle est belle, la Terre, une vraie poubelle ». Il n’est donc pas question seulement des déchets sauvages, ou du tri des déchets à la portée de chacun, mais aussi, de la façon dont la rue Dacoté pourrait devenir le pays Dacoté, surtout s’il est plus au sud… Quant à la maladie inconnue, ce virus d’un nouveau type, il résonne étrangement dans l’actualité en nous invitant à nous interroger sur notre responsabilité dans notre façon de prendre soin de notre planète. Ces deux dimensions restent plus implicites : il ne s’agit pas de prêcher une morale écologiste, mais de faire prendre conscience aux enfants des risques que nous courons en faisant appel à leur sensibilité et à leur intelligence.

Un album plein d’humour et de drôlerie pour aborder un sujet d’une extrême gravité.

Hugh ! Lapin

Hugh ! Lapin
Antonin Louchard
Seuil Jeunesse 2021

Nom d’un lapin !

Par Michel Driol

On retrouve dans cet opus le lapin affreux jojo qu’affectionne Antonin Louchard, ainsi que le dispositif narratif avec la voix de l’adulte hors  champ en page de gauche, et le petit lapin en page de droite. C’est à un savoureux dialogue entre le Grand Sachem et un papoose que nous sommes conviés. Après une maladroite et inefficace danse de la pluie, ce dernier a une question à poser. Non pas de celles, métaphysiques, que prévoit le Grand Sachem, mais les raisons du choix des noms indiens, comme Petit-disque-se-reflétant-dans-le-lac-scintillant. Invariablement, les réponses du Grand Sachem rappellent les qualités d’observation du peuple indien…. Et quand le Grand Sachem s’adresse au papoose en l’appelant par son nom, on comprend les raisons de cette interrogation !

Disons tout le plaisir que l’on a à savourer les dialogues désopilants, le comique de répétition et, bien sûr, la chute que l’on attend avec impatience, et qui ne déçoit pas. Ajoutons à cela les qualités du dessin d’Antonin Louchard : il croque ici un papoose dont les attitudes, le regard, la bouche sont d’une expressivité proche de la caricature, sans qu’il n’y tombe jamais. On renoue aussi  avec  la grande mythologie des Indiens d’Amérique du Nord, les Sitting Bull et autres Crazy Horse, d’autant plus que les pages de garde, avec leurs photos de tipis y invitent. On comprend enfin qu’il y a des noms, choisis par les parents, qui sont plus durs à porter que d’autres…

Un album plein de drôlerie qui pose, avec beaucoup d’humour, la question de l’identité de chacun.