Billie H.
Louis Atangana
Rouergue, 2014
L’enfance du Jazz
Par Anne-Marie Mercier
Billie H. c’est Eleanora Holiday, pas encore devenue la Billie Holiday que l’on connait ; elle ne le devient qu’à la fin du livre, repérée dans un club par celui qui lui fait enregistrer son premier disque pour la Columbia, John Hammond. Le récit de Louis Atanga, fondé sur des biographies de la chanteuse retrace l’enfance d’une adolescente noire et pauvre, à Baltimore, puis New York, en lui donnant un fil conducteur classique en littérature de jeunesse, la quête du père : musicien, il les a abandonnées et a « refait » sa vie après avoir goûté à la liberté à Paris, pendant la guerre de 14-18.
C’est aussi – et c’est un aspect plus intéressant du récit–, le portrait de nombreux destins noirs dans l’Amérique de la ségrégation. Les filles sont les plus mal loties et Billie subit tout, avec amertume et révolte : c’est un portrait d’héroïne malmenée par la vie mais digne et fière. De nombreux thèmes présents dans ses chansons sont ainsi esquissés. La narration passe rapidement sur les moments sombres (prostitution, prison…) pour s’attarder sur les rencontres de Billie avec le jazz, dans la rue, dans les clubs, dans sa voix.
La voix de Billie Holiday, sa manière de chanter, l’« âge » de sa voix (elle semble avoir 30 ans dans sa voix alors qu’elle n’en a que 18 quand sa carrière débute) sont évoqués avec précision, attention, musicalité enfin. Le récit, rédigé en une forme syncopée, avec de nombreuses phrases nominales, reprises, ellipses, imite le rythme de la chanson jazz, et garde un bon tempo qui donne envie de réentendre la « Lady Day » de cette époque ou de plus tard.