La Course dans les nuages

La Course dans les nuages
Thibault Vermot
Sarbacane (‘Exprim’), 2022

Au-dessus de l’apocalypse

Par Anne-Marie Mercier

Salomé, la jeune héroïne du roman, belle figure d’orpheline résiliente, est aviatrice et relève un défi qui doit la conduire de Paris à Puerto-Montt (en Patagonie chilienne).  L’histoire se situe en 1938, après la mort de Mermoz, un peu avant celle de Saint Exupéry, et après la fin de la grande aventure de l’Aéropostale qui a donné un cadre à certains de leurs exploits. Salomé part au-delà des Andes pour gagner de vitesse un aviateur anglais dont on apprendra qu’il est lié avec les nazis, et pour venir en aide aux habitants de cette région, touchés par un gigantesque tremblement de terre. Elle est accompagnée par Edgar, journaliste débutant, dont la maladresse et l’ignorance fournissent de beaux moments de comédie.
L’aventure, précédée de longs préparatifs, ne commence qu’à la moitié du roman. Auparavant, on aura assisté à la rencontre entre les deux héros, exploré avec Edgar le travail de journaliste et avec Salomé l’histoire de l’aviation. Tout cela est fort intéressant mais la nature du roman change radicalement après le décollage : aux aléas de la traversée s’ajoutent des épisodes de combat, d’espionnage, de complot ; de beaux cauchemars ponctuent les rares moment de sommeil des pilotes. Enfin, leur arrivée dans une ville dévastée dans laquelle ne restent que des enfants (trop lents pour fuir avec les adultes qui les ont abandonnés) tient des meilleurs récits d’apocalypse.
Décidément, Thibault Vermot, après le beau Fraternidad, est à l’aise dans de nombreux genres et sait créer des héros, fragiles et résistants, très attachants.

 

Balto, t. II : Les Gardiens de nulle part

Balto, t. II : Les Gardiens de nulle part
Jean-Michel Payet
L’école des loisirs (medium), 2021

Polar historico populaire chez les Ruskofs

Par Anne-Marie Mercier

Placé sous le patronage de Gustave Lerouge (ou Le Rouge), voilà un beau roman populaire du XIXe siècle, situé dans les années 1920 et écrit XXIe siècle. On y retrouve  des ingrédients classiques, déjà présents dans le premier volume (Le Dernier des Valets-de-coeur) : le personnage de l’orphelin, de l’enfant adopté (multiplié ici par le nombre d’adolescents du même orphelinat poursuivis par un tueur au mobile mystérieux), le couple homme d’action – journaliste, le couple Belle et clochard, la quête des origines. Si le premier volume nous plongeait dans un mystère né de la guerre de 14-18, le second en évoque un autre, célèbre, celui du destin des derniers souverains de Russie.

Roman historique également, ce volume nous plonge aussi bien dans le milieu des Russes blancs exilés, au cœur de l’atelier de Coco Chanel, rue Cambon, avec son annexe de broderies Kimir, et dans le milieu de la galerie du marchand d’art Kahnweiler, mais aussi dans le monde des « barrières », la banlieue de Paris au-delà des « fortif’ » où Blato vit dans une roulotte – comme beaucoup de ses amis.
C’est aussi un roman policier rondement mené, avec un couple mixte (garçon et fille) de jeunes détectives et un policier sourcilleux, presque un roman sentimental (le cœur de Balto est le lieu d’émois et d’hésitations propres au roman d’initiation, mais reste très chaste). Tout cela est parfaitement organisé, entrelacé et écrit : passionnant.