Leçons de piano

Leçons de piano
Evangeline Durand-Allizé
CotCotCot éditions 2024

Du jeu avant toutes choses

Par Michel Driol

On voit d’abord un enfant et une jeune femme monter une tour de kaplas tout en discutant. Si tu gagnes, on joue du Chopin et si c’est moi on fait du rap, dit l’enfant. Puis il est question de la main, qu’on arrondit comme une araignée, occasion pour l’enfant de raconter ses exploits avec une araignée. On explore ensuite les marteaux du piano. L’enfant joue avec ses pieds, fouille le sac de la professeure, où il découvre le mot improvisation, qu’elle lui explique. L’enfant dessine une partition où figure l’araignée et des boules de glace. Puis il chante, passant en revue les notes de la gamme. Et enfin tous deux saluent un public… imaginaire.

Voilà un album qui séduit autant par son aspect formel particulièrement travaillé que par ce qu’il dit de l’enseignement de la musique. Pas de récit, mais du dialogue, imprimé en deux couleurs pour bien différencier les personnages. On est ainsi dans l’échange, dans la conversation où les deux jouent leur rôle, s’écoutent et se répondent. Tout commence par des illustrations en noir et blanc, puis, petit à petit, arrivent quelques notations colorées, toujours liées à la musique (le piano) ou aux oiseaux, métaphores de l’improvisation qui va quelque part, sans chemin tout tracé, comme une forme d’exploration. Se dégage ainsi de l’ensemble texte et illustration une grande douceur, l’impression d’un moment agréable, à la fois dans l’appartement, la ville et dans le monde aérien… à la fois dans le concret des désirs et besoins d’un enfant et dans un imaginaire commun qui se construit autour de la conception de la musique que la professeure, complice, fait partager. Pas de solfège, pas de répétition épuisante des mêmes accords ou études, pas de contrainte, mais du jeu et du plaisir, de l’exploration libre de l’instrument, de la musique. Ce que théorise, en fin d’ouvrage, bien mieux que je ne saurais le faire, Jea-Marie Rens, compositeur et professeur d’analyse musicale en Belgique. Il met en lien ce rapport entre exploration et connaissances, le travail de la gestion des gestes et du mouvement, et le développement socio-affectif et cognitif des plus jeunes. C’est bien ce que montre l’album, la façon dont se conjuguent le jeu, l’imaginaire, le plaisir, l’écoute et la connaissance mutuelle des deux personnages.

Premier album publié d’un jeune autrice belge, cet album respire la joie de vivre et l’envie de jouer, de la musique ou autre chose… et qui invite à chercher d’autres voies pour enseigner – la musique ou autre chose – en faisant davantage appel à la créativité !

Bibabop et Bidouwa

Bibabop et Bidouwa Un voyage au pays de la musique avec la fanfare Bric-Broc
Elsa Valentin Jean Lucas
Interprété par Jean Lucas, Erika et Frédéric Guérin
Trois petits points, 2024

Album audio d’une fiction sonore sous forme de CD à écouter

Par Edith Pompidou-Séjournée

C’est un voyage, celui d’une fille qui veut apprendre la musique et part donc à sa découverte. Son aventure se construit comme une chanson avec un refrain qui sert de fil conducteur en scandant l’histoire tout en rappelant sa quête. Quant aux couplets, ils peuvent s’écouter dans l’ordre. L’histoire se déroule comme un dialogue à deux voix entre la fille et celui que l’on peut penser être son professeur, et ses rencontres avec la fanfare et les instruments.
Ce périple est ponctué de devinettes musicales sur la reconnaissance des instruments mais aussi de la recherche des éléments caractéristiques du son comme la hauteur, la fréquence, l’intensité et la durée. La ballade est entraînante car elle s’accompagne de chansonnettes pleines de jeux de mots ainsi que de chansons et musiques qui invitent à bouger et danser en rythme.
Cet album audio n’est donc pas juste une histoire entraînante et amusante mais il peut encore servir de boîte à outils pour apprendre à découvrir les instruments et les sons qu’ils produisent, à prendre conscience du rythme et à le faire vivre corporellement, à travailler sur la prononciation et à différencier les sons pour savoir mieux les écouter et les apprécier. Une ode à la musique donc, certainement avec comme mission de passionner les plus jeunes et les plus novices de manière originale et stimulante.

Le Concert de Lapin

Le Concert de Lapin
Emmanuel Trédez, Delphine Jacquot
Didier jeunesse, 2023

Cyrano violoniste

Par Anne-Marie Mercier

Lapin, l’amateur d’art naïf de l’album précédent de Emmanuel Trédez et Delphine Jacquot, Le Portrait du lapin, est à nouveau amoureux. À nouveau, il tente de séduire sa belle en ayant recours à l’art. Ici, c’est la musique : Biche aimant la musique et les musiciens, il veut la séduire en apprenant à jouer d’un instrument. Lequel ? la question du choix prend un certain temps et c’est l’occasion pour les jeunes lecteurs de découvrir de nombreux instruments, du triangle au trombone. C’est selon moi la meilleure partie de l’histoire.
Son choix se fixe sur le violon ; il convainc le violoniste à la mode, Lion, de lui donner des leçons en lui proposant beaucoup d’argent. On devine la catastrophe à venir, non celle qui viendrait du couple lapin/lion, même si à la fin Lapin se fait avoir encore une fois, mais celle d’un apprenti musicien qui croit que l’argent peut tout acheter et qu’on peut devenir un virtuose en quelques mois, surtout en ce qui concerne le violon.
Une supercherie, qui évoque celle de Cyrano de Bergerac, et dans laquelle cette fois Lapin est complice, risque de laisser les jeunes lecteurs perplexes (l’âge indiqué par le service de presse, 4 ans ne me semble pas approprié). En effet, le narrateur triche et ne reste pas assez en retrait pour éviter de perdre son lecteur. L’argent est un sujet central également, du début à la fin : Lapin, à la fin de l’histoire, dépité, décide de revendre le violon de son grand-père et la luthière découvre que c’est un stradivarius… bon, on veut bien gober des lapins musiciens mais des professeurs de violon qui ne détectent pas un bel instrument, ce n’est pas possible.
Comme dans l’album précédent, les illustrations montrant tous ces animaux habillés en gandins et élégantes dans des décors kitsch, sont belles et pleines d’humour.

 

 

 

La Vie en rose de Wil

La Vie en rose de Wil
Susin Nielsen
Helium 2021

Toronto- Paris : premier amour

Par Michel Driol

Wil(bur) vit avec ses deux mères, les Mapas. Son seul ami : Sal(omon), juif échappé à la Shoah… C’est dire son âge ! Au collège, il est le souffre-douleur de Tyler – et de quelques autres – depuis que ce dernier a lu à tout le monde le texte de Wil, écrit lors de son entrée au collège, et destiné à être enfermé dans la « capsule temporelle » jusqu’à la fin des études. Lorsque le chef de la fanfare du collège organise un échange avec un établissement français, il accepte de recevoir Charlie… et découvre que c’est une fille, dont il tombe amoureux au premier regard ! Va-t-elle lui préférer Tyler, sportif, entreprenant, alors que lui est timide et empâté ? Et comment payer le voyage à Paris ?

 Autrice célèbre et reconnue au Canada, Susin Tyler propose ici un roman qui conjugue la problématique du harcèlement scolaire avec celle du premier amour qui va permettre au héros de se révéler à lui-même, de prendre confiance en lui et de s’opposer aux autres. C’est qu’il n’a rien pour lui, Wil : adoré et protégé par ses deux mères, il est resté dans leur cocon jusqu’au collège, et, dès la rentrée, il se retrouve harcelé à cause de l’indiscrétion de Tyler et du hasard. Pas très sportif, dans un milieu très modeste (l’une des mères vivote de petits boulots comme chauffeur Uber, l’autre va de petit rôle en petit rôle), il apprécie son voisin, bien plus âgé que lui, et un chien  qui n’a rien d’un chien de race. On apprécie la conduite du récit, à la première personne, qui révèle les doutes et les sentiments du héros, mais aussi le regard sur la société canadienne, ouverte et tolérante à l’égard des couples homosexuels (les deux amis les plus proches de Wil sont homosexuels), mais aussi dans laquelle l’argent est roi (Wil se fait exploiter par le patron de la boulangerie où il travaille). On apprécie aussi le rôle de la poésie : chaque chapitre s’ouvre par un petit poème écrit par Wil qui révèle ainsi ses talents secrets.

Avec un titre qui sonne comme un clin d’œil à Edith Piaf, voici un hymne à l’amour plein de délicatesse et montrant à quel point le respect est une dimension essentielle dans les rapports humains.

 

L’Été de Vivaldi

L’Été de Vivaldi
Suzy Lee
Rue du monde, 2023

Illustrer la musique ?

Par Anne-Marie Mercier

Ce grand album de Suzy Lee est une jolie surprise. On y retrouve le talent de l’artiste et sa capacité à représenter la vie, le mouvement, le fugitif, (avec notamment La Vague). Mais il s’y ajoute un autre défi, parfaitement réussi, celui d’illustrer la musique. Les arts se répondent tous, certes, mais on voit davantage de passages du texte à l’image et vice-versa, ou du texte à la musique et retour, que de la musique vers l’image.
L’été, c’est à la fois le thème de l’album de Suzy Lee et le titre d’un fragment des Quatre saisons de Vivaldi, concerto que lui-même avait publié avec un sonnet; celui-ci évoquait la torpeur de pastoureaux, puis l’arrivée du vent. Suzy Lee a actualisé la scène ; ce ne sont plus des bergers mais des promeneurs qui sont surpris par la pluie. Le texte court qu’elle propose au début de chaque mouvement suggère plus qu’il ne décrit et crée une atmosphère. Ainsi elle évite l’écueil de la représentation de la musique comme un art d’imitation. De même, son dessin est figuratif sans être réaliste et emporte le regardeur avec des effets de rythme, de retours et de fluidité : il est également musical.
Un QR code permet d’écouter le concerto tout en parcourant l’album. C’est un délice et une expérience étonnante, accessible à tous et toutes, une belle introduction à la musique de Vivaldi.
L’album est découpé en trois mouvements, qui correspondent à ceux du concerto pour violons. Le premier mouvement (allegro non molto) s’ouvre sur une évocation de l’été (chaleur sècheresse, le vent se lève). Les musiciens, tracés à l’encre de chine devant un rideau de scène bleu, sont rassemblés. Puis le vert du paysage et le bleu du ciel font leur entrée, puis des personnages. On en comptera cinq qui reviendront de façon régulière, comme autant de danseurs, des adultes et des enfants accompagnés d’un chien; ils sont esquissés au fusain sur le fond blanc de la page et partiellement coloriés. La joie explose, jets d’eau et de couleurs, rires, galopades, auxquels succèdent des temps de pause heureuse.
Vient le deuxième mouvement (Adagio, presto), avec des pages bleues et noires de nuages d’orages ou des dessins de portées musicales sur fond blanc, griffées de traits de pluie ou parcourues par des petits personnages juste esquissés ; les deux mondes s’interpénètrent, l’eau a tout éclaboussé, jusqu’à l’arc en ciel.
le troisième mouvement (presto) est celui du vent violent. Le paysage est strié de hachures, les personnages courent, grelottent ; les parapluies volent, le ciel roule des flots de noir de chine et de gris. Les musiciens eux-mêmes semblent gagnés par cette atmosphère.  De superbes doubles pages proposent une plongée dans toutes les nuances de gris, de bleu, dans l’épaisseur de la matière, jusqu’au retour à la scène, au calme et au blanc. Les artistes et les personnages saluent.
Avec une couverture qui rapproche cet album du livre d’art, un beau et fort papier, une belle impression, des couleurs et des effets de texture étonnants, c’est un petit chef d’œuvre.

Voir des images sur le site de l’autrice

 

La Belle au bois dormant

La Belle au bois dormant
Texte de Pierre Coran (repris de Perrault) dit par Nathalie Dessay, Clémence Pollet (ill.)
Musique de Tachaïkovski (extraits)
Didier jeunesse, 2022

Sage ballet

Par Anne-Marie Mercier

Selon le principe de cette collection de livres musicaux consacrés aux ballets classiques, le CD fait entendre à la fois la musique et le texte, dit par Nathalie Dessay avec une sobriété de bon aloi. La musique de Tchaïkovski est découpée en petites séquences, sans doute pour éviter de lasser le jeune auditeur ; c’est un peu dommage qu’on n’ait pas le temps de s’installer dans chaque mélodie. Seule la fameuse valse (que l’on retrouve dans le film de Disney) du premier acte est donnée en entier, après la fin de l’histoire.
C’est dans un style très classique que ce conte est repris ici, avec des illustrations sages et gracieuses, un texte qui reprend fidèlement l’esprit de celui de Perrault tout en lui ajoutant quelques fantaisies (des dragons, par exemple). Le mélange d’inspirations de Disney et Perrault fonctionne bien ; les petites fées volètent joliment, et la méchante sorcière est impressionnante.
Tout se déroule dans un royaume de fantaisie où les humains ont parfois des attributs animaux (longues oreilles, becs d’oiseaux) et où toutes les couleurs de peaux se mêlent ; le Prince qui vient d’un pays lointain a la peau noire. Il s’appelle bizarrement Johan, entre moyen-âge et époque contemporaine, un prénom qui fait basculer dans une autre chronologie.

Les Yeux fermés

Les Yeux fermés
Catherine Latteux – Célina Guiné
D’eux 2021

De la musique avant toute chose

Par Michel Driol

Moe joue de la musique pour son amie Lily, qui, soudain, se lève pour aller voir qui pousse de petits cris plaintifs. C’est un jeune lapin. Pour retrouver les autres lapins, il faut écouter le vent, et tous les bruits de la nature. Ainsi l’album les évoque successivement, jusqu’à entendre la lapine et ses petits qui font des bonds. Et Lily, guidée par son amie, s’en va rapporter le lapin, sans sa canne blanche…

Bien sûr, c’est de handicap qu’il est question dans cet album, de cécité, si l’on lit bien le titre, si l’on regarde bien l’illustration de couverture, si l’on sait s’interroger sur l’étrange représentation graphique de Moe, l’ami musicien, sorte de plante sur sa tige, ce qui fait que la dernière page n’est pas vraiment une révélation. Pour autant, l’angle choisi n’est pas celui du handicap, mais celui d’une hyper sensibilité à la musique de la nature à laquelle est attentive Lily. C’est cette dimension poétique, renforcée par les rimes (ou les échos sonores) qui accompagnent les évocations de chacun de ces sons, et qui invitent le lecteur à écouter plutôt qu’à voir. Végétaux, insectes, cours d’eau… se succèdent ainsi, et font, tour à tour, entendre leur musique particulière. Clapotis, appel, bourdonnement… le vocabulaire se diversifie aussi pour donner au lecteur, dans les propos de Lily, à percevoir comme elle cette symphonie aux timbres variés. C’est donc à une attitude poétique d’écoute active du monde de la nature que cet album invite, pour en apprécier l’extrême diversité dans le silence évocateur de tant de choses, si l’on sait lui prêter l’oreille.

Les illustrations ne visent ni au réalisme, ni à une quelconque imitation musicale. Elles montrent aussi un monde très divers, mais animé. En effet, les végétaux se métamorphosent souvent en visages humains, les animaux prennent des poses humaines aussi, façon de réduire la distance entre l’homme et la nature, d’en faire une espère de grand tout vivant, sonore, animé, devant lequel s’émerveiller.

Un album qui prend des formes poétiques pour apprendre à ne pas se contenter du regard rapide sur les choses, sur le monde, mais à écouter les plus infimes bruits d’une nature luxuriante.

 

 

 

 

Le Secret des O’Reilly

Le Secret des O’Reilly
Nathalie Somers
Didier jeunesse, 2018

Ballades et balades irlandaises

Par Anne-Marie Mercier

Le roman de Nathalie Somers propose une balade irlandaise, où les moutons et les vertes prairies, la musique et les danses agrémentent une nature rude et parfois dangereuse. On y rencontre certes quelques clichés touristiques, mais rien de tel pour mettre le lecteur sous le charme d’un pays à la fois proche et lointain.
L’héroïne est française et vit à Paris, mais elle a des origines irlandaises par son père et va chaque été dans sa famille, pas loin de Galway, dans un petit port nommé Listoonvarny (ou Lisdoonvarna), face aux célèbres îles d’Aran. Elle y retrouve ses cousines en pleine préparation d’un concours de musique qui oppose chaque année des fratries de jeunes gens. Le problème central est qu’elles affronteront les gagnants précédents, deux frères de la famille des Clancy (un nom bien de là-bas…), famille ennemie de la leur depuis trois générations.
La question de savoir qui va gagner le concours s’efface assez vite devant d’autres interrogations : pourquoi l’ainée des cousines agit-elle si mystérieusement. Qu’est-ce qui fait que la grand-mère regarde Kathleen bizarrement, qu’est-ce que la vieille Molly cherche à lui faire savoir… et enfin quelle est la raison de la haine qui oppose ces deux familles ?
Si l’écriture est un peu plate, l’histoire fonctionne malgré tout : beaucoup d’interrogations, une intrigue bien ficelée avec toutes ces pistes entremêlées, des événements dramatiques, du suspens, un zest d’amour, c’est un joli cocktail, et tout fini par des chansons.

Je suis un oiseau de la ville

Je suis un oiseau de la ville
Delphine Jaboeuf (texte), Caroline Aufort et Elodie Mandray (ill.)
Hélium, 2021

Pour devenir de petits naturalistes urbains

Ce n’est pas parce qu’on vit en ville qu’on ne peut intéresser aux oiseaux : il y en a partout autour de nous, il suffit d’écouter. Mais c’est agaçant, n’est-ce pas, d’entendre des oiseaux sans les voir et sans savoir si l’oiseau qui chante si bien (ou si mal) est brun, noir ou jaune, gros ou petit, et comment on l’appelle ?
Grâce à cet album, tendre l’oreille dans la rue va devenir un jeu et peut-être une passion : des oiseaux bien connus (moineau, mésange, canard mandarin, pigeon, corneille, pie, étourneau, martinet, cygne, mouette…) et d’autres qui le sont moins tout en étant proches de nous (pouillot véloce, bergeronnette, troglodyte, mignon, chardonneret élégant, gallinule poule d’eau, Bernache nonnette, roitelet triple bandeau…) vont devenir familiers. Par leur chant tout d’abord : celui-ci est transcrit en onomatopées, précisées par des majuscules/minuscules, gras ou italiques, des symboles qui marquent une note grattée, stridente, diffuse, etc.  C’est un systême de notation ingénieux que l’on peut s’approprier ensuite pour transcrire d’autres chants. On peut s’aider en consultant le site et découvrir ainsi le superbe graphisme avec les chants en version sonore  : merveilleux pour tous les parents qui souhaitent proposer une promenade avec un but, les enseignants  de musique ou de SVT, les amateurs d’oiseaux, et les amateurs de beaux livres tout simplement.
Les couleurs sont subtiles, les illustrations stylisées en à-plats montrent les caractéristiques principales des oiseaux; ils figurent deux fois en page de droite, tête bêche comme sur un jeu de cartes, pour représenter les deux versions de l’oiseau, mâle et femelle (il es notable que la version femelle soit en bonne position, à l’endroit, quand le mâle est à l’envers).
Enfin, un texte court, parfait de précision et de vivacité, donne la parole à l’oiseau; il fournit de multiples renseignements sur sa vie, ses habitudes, ses amours, ses besoins alimentaires (ne pas donner de pain aux canards), sa dangerosité (ne pas s’approcher des cygnes, surtout lorsqu’ils sont avec leurs petits).

Alors, elle est pas belle la ville ?

Journal d’un amnésique

Journal d’un amnésique
Nathalie Somers
Didier jeunesse (romans), 2019

Reconstruction ou résilience ?

Par Anne-Marie Mercier

L’ amnésie est une situation intéressante dans un roman : le lecteur découvre ainsi en même temps que le personnage son identité, ce qu’il est, quel est son entourage… et le passé n’est pas un arrière-plan mais l’objet d’une quête, ou plutôt, ici d’une enquête.

En effet, si l’on sait très vite que Romain, 15 ans, a perdu la mémoire après une chute dans le couloir de son lycée, on ne sait pas ce qui a occasionné sa chute, ni ce qu’est devenu son téléphone portable. On ne sait pas non plus (le récit est narré à la première personne, par Romain) ce que ses parents lui cachent, ce que représentait cette photo ôtée du mur de sa chambre, et quelles relations il entretenait avec la belle Morgane et avec le trouble Elias. Le récit fonctionne comme un roman policier, avec ses fausses pistes, ses moments de suspens et sa révélation finale.

C’est la pas belle et impopulaire Adeline qui va lui ouvrir les yeux sur celui qu’il était avant, très éloigné de celui qu’il se sent être dans cet après : qu’est ce qui a forcé Romain à adopter ce profil bas, cette allure « ectoplasmique » ? La réponse est du côté des gens de son âge, sur fond de harcèlement (encore un procès contre les réseaux sociaux) et l’éducation parentale. Le portrait des parents est intéressant, complexe et sans concession, et le happy end improbable mais rassurant.

Si le personnage de Romain est un peu plat et ne se construit que peu à peu, ce qui est normal vu le sujet, le personnage d’Adeline est très affirmé et magnifique. Toutes ses répliques sont du grand théâtre, parfois drôle, toujours acide.

Si le personnage de Romain est un peu plat et ne se construit que peu à peu, ce qui est normal vu le sujet, le personnage d’Adeline est très affirmé et magnifique. Toutes ses répliques sont du grand théâtre, parfois drôle, toujours acide.

Si le personnage de Romain est un peu plat et ne se construit que peu à peu, ce qui est normal vu le sujet, le personnage d’Adeline est très affirmé et magnifique. Toutes ses répliques sont du grand théâtre, parfois drôle, toujours acide.

Le message adressé aux lecteurs, fait d’optimisme, d’acceptation du destin et d’ouverture à la beauté intérieure, invite à la méfiance vis-à-vis de tout ce qui brille et s’impose au groupe, et à l’évitement du grégarisme et de la lâcheté. En prime, on y trouve un éloge de la culture, du théâtre et de la musique.