La Déclaration. L’histoire d’Anna
Gemma Malley
Traduit (anglais) par Nathalie Peronny
Helium, 2018
Adolescente-Servante : l’immortalité sans partage
Par Anne-Marie Mercier
Si la question de l’allongement de la vie, voire de l’immortalité, est au cœur de nombreuses fictions de littérature générale, (Auprès de moi toujours de Kazuo Ishiguro, La Possibilité d’une île de Houellebecq, Notre Vie dans les forêts de Marie Darrieussecq…), la littérature pour enfants suit la même vogue (Judith et Bizarre, par exemple) aussi bien que celle adressée aux adolescents; c’est le cas de ce roman, premier volume d’une trilogie.
Dans cette dystopie, des enfants et jeunes adolescents sont enfermés et éduqués dans un pensionnat extrêmement strict et rude dans lequel on leur apprend qu’ils sont des « surplus » qui n’auraient pas dû naître. Ils sont destinés à servir les autres, les adultes immortels qui ont renoncé à avoir des enfants pour maintenir la population humaine en équilibre.
Anna est une « surplus » modèle, fidèle exécutante d’une directrice tortionnaire qu’elle révère, désireuse d’être exemplaire, parfaite servante de cet ordre. Un jour, arrive un garçon qui lui dit qu’elle a des parents qui l’aiment et qui l’attendent, « dehors ». Ils ont rejoint la résistance qui cherche à renverser cette société.
Au-delà du suspens, très présent, et des multiples rebondissements du roman, c’est le personnage d’Anna qui est le plus intéressant : sa soumission à un ordre qui l’écrase et l’humilie, ses refus de considérer l’étranger comme un ami possible, ou ses parents comme des êtres qu’elle pourrait comprendre et non haïr font d’elle une héroïne complexe et riche. Les personnages secondaires sont eux-aussi originaux.
Enfin, que ce roman d’anticipation ait recours aux vieilles ficelles du roman populaire du dix-neuvième siècle pour mener son intrigue, au mépris de toute illusion de vraisemblance – même futuriste – n’est pas le moindre de ses paradoxes.

Mettez un bon élève en pension avec un voisin de chambre un peu bizarre et très cancre. Très vite, il participera à ses jeux interdits, ses bricolages, partagera ses mauvaises notes et enfin sa folie. C’est ce qui arrive au jeune Joseph, qui découvre la passion d’Adrien pour les étoiles et sa certitude que des « exoterriens » vont venir le chercher comme ils ont pris son grand père autrefois.
Avec ce roman déjà paru en collection scripto en 2005, on entre dans un univers de « collège » américain, et plus précisément de pensionnat. Bien loin de Harry Potter ou de Twilight, on est dans la réalité la plus crue, sexe quasi excepté, même si le désir du héros adolescent pour sa camarade Alaska est très présent et analysé avec précision ; le roman hésite entre crudité et pudibonderie. L’auteur a été aumônier étudiant auprès d’enfants, et on sent tout au long du livre une grande proximité avec ses personnages et beaucoup d’empathie, mais une volonté de ne pas trop choquer et sans doute d’édifier.