Mercredi
Anne Bertier
MeMo (2010), 2018
Du jeu, de la géométrie, de la créativité : MeMo dans les pas du Père Castor
Par Anne-Marie Mercier
Bel hommage à Nathalie Parain, cet album carré, au format original (que l’on ne peut qualifier ni de petit ni de grand : que dire donc, sinon qu’il est parfait ?), propose les jeux de deux personnages : Petit Rond et Grand Carré. On l’aura compris, ce sont des formes géométriques, l’une est bleue et l’autre orange, couleurs complémentaires – mais rien à voir avec l’album Petit Bleu et Petit Jaune de Léo Lionni qui travaillait sur la couleur. Ici, seule la forme compte et elle est travaillée à merveille.
Il faudrait ajouter à la forme les mots, car c’est aussi un imagier associant mots et choses, formes graphiques et décodage de celles-ci : « Il leur suffit de prononcer un mot et ils se transforment aussitôt ». Grand Carré (il mène le jeu) lance le thème ; Petit Rond l’imite, d’abord en essayant de reproduire la même forme (un papillon avec deux triangles pour l’un, deux demi-cercles pour l’autre), une fleur, un champignon… On en aura une idée plus précise en feuilletant sur le site de l’éditeur.
Mais le jeu a des limites et on ne peut pas tout faire quand on est petit. Après une brouille, les deux amis coopèrent harmonieusement et longuement, preuve que le jeu en collaboration est plus intéressant que le jeu en compétition : ils forment ensemble un « i », un bonbon, un clown… et ce temps de jeu se termine bien évidemment par un goûter. Voilà une belle façon d’occuper les mercredis.
On retrouve ici les principes qui animaient Nathalie Parain et l’équipe des débuts du Père Castor : proposer de beaux albums, à la lisibilité travaillée (la typographie et la mise en page de l’album vont dans ce sens), qui sollicitent l’imagination et développent la créativité de l’enfant. Mercredi est une invitation à poursuivre en jouant au tangram, ou en créant de nouvelles formes, comme les tout premiers albums du Père Castor signés par Nathalie Parain, Je fais mes masques (Paris : Flammarion (Albums du Père Castor), 1931 / Mes masques, 2004 ; 2006) et surtout Je découpe (Paris : Flammarion (Albums du Père Castor), 1931 ; Nantes : MeMo, 2012).
Avec le même principe de collages, Anne Bertier a travaillé également sur les opérations arithmétiques, dans la série « Signes jeux » de MeMo, pour « donner un sens graphique aux opérations de l’arithmétique élémentaire. Elle traite ainsi l’addition et la soustraction, mais également multiplication, division et égalité » (Je divise, Je multiplie, Je soustrais, C’est égal).
Saluons encore une fois le magnifique travail des éditions MeMo qui font reparaitre des classiques (ceux du père Castor, les albums de Sendak, etc.) et parfois les traduisent, ouvrant l’accès des français une histoire plus large de la littérature de jeunesse, et qui proposent également des albums contemporains inspirés de ceux-ci.
Les éditions MeMo ont également publié des monographies sur de grands artistes de ce domaine, comme Nathalie Parain, Paul Cox, ou Elisabeth Ivanovsky.




Charlotte Gastaut est l’auteur et l’illustratrice du Grand Voyage de mademoiselle Prudence, dédicacé à sa Prudence : « Sois libre mon amour ! Mon hirondelle, ma toute belle. » Le personnage que la petite fille avait inspiré, ainsi que l’hirondelle évoquée dans cette phrase, semblent conduire logiquement à cette magnifique version de Poucette, dédicacée, cette fois-ci, à sa Violette, nouvelle inspiratrice : « Toujours heureuse mon amour. Je t’aime infiniment. Ma merveille. Ma mignonne. Ma rigolote. »
Ce livre CD est inégal. En effet, c’est une riche idée de remettre au goût du jour des chansons et comptines traditionnelles françaises (« Fais dodo, Colas mon p’tit frère, Frère Jacques » ou « Au clair de la lune » et d’autres moins connues telles que » La Cloche du vieux manoir » et « Fais dodo, le petit Pierrot ») et de faire découvrir aux très jeunes auditeurs des berceuses d’ailleurs, telles que « Chut Petit enfant » « Hush little baby », des Appalaches, Etats-Unis ; « Dodo, ti pitit maman », des Grandes Antilles ; « Dors mon petit gars », d’Allemagne ; la Berceuse de Brahms, « Guten Abend, Gute Nacht » et celle de Mozart, d’Autriche ; « Maman mi aller chercher l’eau », de Louisiane ; « Ce petit garçon a sommeil », d’Espagne, « Duerme, duerme Négrito », de Cuba, et « Dobrou Noc », de Tchéquie, chantées dans la langue d’origine puis en français et, enfin, « Ani couni », berceuse amérindienne célèbre dans les maternelles. On découvre même une berceuse corse.
Les poules ont toujours beaucoup inspiré la littérature de jeunesse mais le résultat n’est pas toujours heureux, comme dans cet album qui accumule tant les jeux de mots sur l’univers des gallinacés qu’ils en deviennent indigestes (voir par exemple le becquiste pour le dentiste, le becquifrice, un bouche-trou de bec…).