Pauline contre Humbaba et les sorcières amputeuses
Sabrina Mullor
L’école des loisirs (Neuf), 2011
Le merveilleux pour apprendre le bonheur
Par Chantal Magne-Ville
Pour apprécier ce roman destiné à des enfants de 9 à 10 ans, il faut accepter d’entrer dans un monde merveilleux un peu surprenant, où Pauline, l’héroïne, découvre grâce aux révélations de sa propre tante, que chacun porte près du cœur un Noyau dur dans lequel de minuscules Porte-Elixir peuvent s’introduire pour lui révéler les beautés du monde. Ces créatures sont perpétuellement menacées par des sorcières amputeuses qui cherchent à se les accaparer sous les ordres de la plus terrible d’entre elles, Humbaba, (nom emprunté à la mythologie mésopotamienne du démon gardien de la forêt où vivent les dieux). Celle-ci vit dans un igloo où sont emprisonnés des milliers de Porte-élixirs aux noms aussi variés que chatoyants, que Pauline n’aura de cesse de libérer. « Murmure des étoiles », l’élixir qui entre dans le noyau de Pauline fait que les étoiles deviennent ses alliées.
Contrairement à ce que pourrait laisser croire ce monde d’êtres minuscules et bigarrés, le récit ne tombe jamais dans la mièvrerie ni dans la joliesse, à cause de l’importance des enjeux. La traque perpétuelle menée par Humbaba, à qui la lune sert de loupe, tient le lecteur en haleine, ainsi que ses pouvoirs destructeurs : elle peut faire disparaître le noyau dur de chacun en le fragilisant peu à peu par l’amputation de ses élixirs, au point qu’il ne ressentira plus les beautés du monde. S’agit-il d’une métaphore de l’âge adulte ? Les sorcières amputeuses ne sont rien d’autre que celles dont le cœur est demeuré blessé par les éclats de leur noyau perdu.
L’intérêt principal de l’histoire réside dans les valeurs défendues, notamment celle de la solidarité et du refus de l’ordre établi, et dans la poésie qui teinte cet univers dans lequel, par exemple, les Porte-Elixir meurent en formant des aurores boréales, ce qui fait de cette histoire une espèce de métaphore de la vie.