A pas de pluie

A pas de pluie
Justine Gautier – Illustrations de Laure Van Der Haeghen
Editions Thierry Magnier 2024

Bal(l)ade sous la pluie

Par Michel Driol

Un jour de pluie, une fillette  répond à l’appel muet de sa chienne pour sortir se promener avec elle. Elles écoutent les bruits, sentent, repèrent choses et animaux, des vaches aux escargots, avant une halte sous l’abribus…

Ce que raconte l’album, c’est une simple promenade, mais une promenade à deux voix à travers les cinq sens. Sur une double page, en caractères romains, on a le récit de la fillette. Sur la page suivante, en italique, c’est le point de vue de la chienne. Et le procédé se répète ainsi, jusqu’à la page finale où, dans le texte, alternent caractères romains et italiques, comme pour montrer la fusion entre les deux personnages. Promenade à travers les cinq sens – surtout portée par le discours de la chienne – avec une précision du vocabulaire qui rend compte de la diversité des choses qui nous entourent. Ça tambourine, tapote, pianote, ça bêle, ça coasse… ça sent la terre et l’humus, la pierre humide, les fleurs écloses… Sens du toucher aussi avec cet escargot qui frôle la truffe de la chienne, avec l’étrange sensation de marcher sur l’eau. Sens de l’odorat avec l’odeur du gâteau au beurre. Sens de la vue enfin bien sûr, avec la description des choses vues, depuis les animaux, jusqu’aux feuillages mouillés… Ce que décrit l’album, c’est ce spectacle de la nature, ces petits riens transformés par la pluie, que les deux personnages explorent avec curiosité et émerveillement.  Ces petits riens, ces paysages, montrés dans les aquarelles aux couleurs  pastel de Laure Van Der Haeghen.  Le vert tendre des prés, des feuillages, le rose et le jaune des fleurs jouent avec les couleurs plus froides de la pluie, dans une grande diversité de bleus. Et, contrastant avec tout cela, le rouge du ciré de l’héroïne. Sur un fond de paysage en double page se découpent, comme incrustées, des petites scènes, des zooms sur le jeunes pousses ou le saut d’une grenouille, façon de montrer qu’il ya toujours quelque chose à voir.

Se promener sous la pluie, sauter dans les flaques d’eau, faire tomber l’eau des feuillages, c’est le rêve et le plaisir de tout enfant que ce bel album magnifie pour montrer toute la poésie de ces moments, pour montrer aussi la complicité et l’amitié entre une fillette et sa chienne.

La Promenade du chat

La Promenade du chat
Sara Lundberg
Traduit (suédois) par Jean-Baptiste Coursaud
Seuil jeunesse, 2023

Qui est le maitre ?

Par Anne-Marie Mercier

Il est rare qu’un chat soit emmené en promenade à pied par son maitre, sans laisse qui plus est. Le narrateur a l’habitude de sortir ainsi avec le sien, un parcours décidé par le maître, habituel, rituel, sans surprise. C’est beau, cependant, grâce au talent de coloriste de l’auteure, son art pour créer des volumes urbains à partir d’à-plats et d’effets de superpositions et de transparences.
Un jour, à la suite d’un petit conflit, le chat décide que c’est à lui de prendre l’initiative. Les étapes de ce débat sont attendrissantes et drôles, mouvementées. À l’issue de cette négociation c’est l’animal qui fait découvrir au narrateur la vie sauvage proche de la ville et la beauté du monde et lui enseigne pour cela le lâcher-prise. Perdant ses repères, et même son équilibre, il se met à la merci du chat et finit par découvrir ce qu’il n’avait jamais vu jusque-là : l’immensité du ciel étoilé.
C’est une belle relation, de beaux dialogues (le chat parle, bien sûr) et de magnifiques images, dans un album qui prend le temps de nous emmener à aventure vers la beauté.

 

 

 

Mes Saisons

Mes Saisons
Bernadette Gervais
Les grandes personnes, 2023

Entre photos et pochoirs

Par Hélène Davoine

Avec cet imagier Bernadette Gervais nous invite à savourer avec elle ce qu’elle désigne, avec son titre, comme « ses » saisons et c’est bien à un parcours personnel que nous sommes invités : les saisons apparaissent photographiées en noir et blanc ou dessinées avec force détails et couleurs. Quand on observe ces animaux, ces plantes, ces champignons, on a l’impression de la suivre en balade. En cheminant, elle prend en photo ou dessine ce qu’elle croise sur sa route : des bourgeons, des insectes jaunes et noirs, des champignons, des araignées, des feuilles.
Les pages se suivent et ne se ressemblent pas. On regarde la terre et ses traces d’animaux. On regarde le ciel, ses nuages et la voie lactée. Une photo du brouillard suit le dessin d’un cerf et d’une biche et on se surprend à les chercher dans la brume. Les sujets sont parfois rapprochés parce qu’ils se ressemblent, par leur nom ou par leur aspect. La photo des graminées est striée comme l’est le dessin du cirrostratus de la page d’en face. Le chardon a pour voisin le chardonneret. On suit son parcours mental à travers les images et son cheminement dans la nature. On se laisse entraîner, on repense à nos propres marches champêtres, on admire ses photos et ses illustrations. Rarement, imagier n’aura été aussi propice à la rêverie.
La dernière image du livre représente deux traces de pas dans la neige et cette seule image résume très bien cet ouvrage : une belle invitation au voyage.

 

 

Les Ébouriffés

Les Ébouriffés
Anne Cortey, Thomas Baas
Grasset jeunesse, 2023

Par dessus les nuages…

Par Anne-Marie Mercier

Cet album qui se lit et se contemple de façon inhabituelle (le texte en haut, le dessin en bas, sous la pliure) ne propose pas d’histoire. La temporalité est celle d’une journée, celle que vivent les « ébouriffés », trois personnages de tailles différentes (deux adultes, homme et femme et une fillette ou tout simplement un grand une moyenne et une petite, on ne sait).
Tout d’abord, avant leur apparition au saut du lit (d‘où le titre), il y a la nuit qui entoure la maison où ils dorment, la brume, les animaux qui s’activent à l’aube. Puis les volets s’ouvrent, ils apparaissent et se précipitent dans le décor, un décor de sapins et de montagne. Dans la brume, l’étang est un océan, le ciel est au bout de la branche, ils y courent, escaladent, sautent, quelle énergie !
Ils chevauchent un nuage en forme de cheval et volent loin, au-dessus d’un paysage chamboulé par la tempête. L’album se clôt par un retour au calme, à la quiétude du lac sans rides et de la maison dont la cheminée fume sous les étoiles.
Les illustrations sont magnifiques, mêlant les aquarelles aux fusains. Les couleurs, rares, éclatent, et les sourires de ces ébouriffés échevelés sont communicatifs. Les paysages qui ressemblent à ceux de la Franche-Comté donnent envie de s’y réfugier, bien au frais… au fait, vous allez où cet été ?

feuilleter ici