Chez soi
Pauline Kalioujny
Seuil Jeunesse 2024
Home, sweet home…
Par Michel Driol
En couverture : une foule d’animaux entassés dans la silhouette d’une maison… Les pages de garde : trois lapins gambadant en plein air. Ainsi se dessine la tension entre l’intérieur et l’extérieur, le cocon et l’aventure. Tout commence par le constat des choses qui se gâtent, parfois, dans la vie, ce qu’illustre un orage, avec ses éclairs. C’est alors qu’il faut rester chez soi. Et l’album d’explorer différents chez soi, différentes raisons de s’y réfugier, et différentes manières d’y habiter. Parce qu’il fait trop froid, ou trop chaud, parce qu’un danger menace, parce qu’on est timide… Mais que faire chez soi ? Se reposer, se blottir contre ceux qu’on aime, ou être un peu à l’étroit. Chez soi, c’est le moment de penser que la vie aime prendre son temps pour que chacun naisse, grandisse, s’épanouisse avant de sortir dehors.
L’album fait la part belle à de nombreux animaux, et les montre dans leur habitat, ours, loirs, fourmis, mollusques, escargots, abeilles… mais c’est une famille de lapins qui sert de fil conducteur et auxquels le lecteur est invité à s’identifier. Lapins terrés échappant au flair d’un chien, petit lapin boudant ses parents, lapins entassés, lapins célébrant un anniversaire autour d’une carotte gâteau, adorables lapins blottis au chaud en plein hiver. A elle seule, cette famille de lapin illustre différents sentiments, états, émotions liés au confinement. Ce confinement qui peut rendre les plus agités «zinzins ». L’album ouvre alors, avec un enfant morose derrière la vitre, son avant dernier mouvement, celui du temps nécessaire : superbement illustré par un embryon, une chenille préparant son cocon, des animaux dans des œufs, une graine qui germe et donne une fleur. C’est alors que l’album prend une dimension morale et philosophique, mettant l’accent sur le rôle du temps, de la maturation, pour, selon une belle métaphore, « faire éclore les rêves en une nouvelle réalité ». Ne pas être trop pressé, prendre son temps, accepter peut-être de s’ennuyer, de rester chez soi, de ne pas être dans l’action, voilà des valeurs mises en évidence par l’album qui se clôt par une inversion politique joyeuse, lorsque tous les animaux sortent enfin de sous la terre pour prendre en chasse… un chasseur et son chien. Libération du dedans au dehors, libération des menaces, l’album est aussi une invitation à s’unir, à sortir de chez soi pour réaliser ensemble quelque chose de grand, de fort. Cette exploration du confinement subi, mais parfois aussi désiré, des espaces privés qu’on s’aménage, des cocons qu’on tisse ou pas autour de soi, est conduite avec une grande tendresse dans le texte et dans les illustrations qui ne manquent pas d’humour, en particulier dans les multiples détails qu’il faut prendre le temps d’observer.
Un album plein de charme et de poésie, qui met en scène l’enfance, qui évoque le désir de grandir, sortir de l’œuf, mais aussi celui de profiter de l’espace familial, avec son confort et ses tensions, à travers des métaphores animales pleines de poésie.