Ton cœur bat au rythme de la terre

Ton cœur bat au rythme de la terre
Claire Cantais
Editions Courtes et Longues 2024

Si par un jour d’été une voyageuse

Par Michel Driol

Quand la batterie de la tablette de la voyageuse de cet album est vide, elle s’endort. C’est alors qu’une créature bleue, aux longs cheveux rouges, l’entraine dans la nature, celle qu’on aperçoit de l’autre côté de la vitre du train. Cette créature féérique la conduit dans une rêverie où elle l’incite à écouter les  bruits de la terre, à regarder ses merveilles et sa fragilité. Suivant la rivière, elles arrivent à la mer. Arrivée en gare, la jeune femme sort du TGV, et court dans la nature, sous la lune.

Peu de texte dans cet album très poétique, mais d’abord de superbes images, souvent en double page à contempler, d’une facture à la fois simple (des aplats de couleurs et des papiers découpés) et élaborée. Des cadrages audacieux (la forêt vue en contre plongée, les arbres devenant comme les rayons d’un cercle céleste), les petites bêtes vues en plongée, aux pieds de l’héroïne, la vague si proche de celle d’Hokusai. Des couleurs  qui se complètent et s’opposent : corps bleu et cheveux rouges des personnages, verts variés de la nature, bleu profond de la mer, marron – couleur peau – du sable. Le tout prend parfois des aspects hypnotiques ou psychédéliques. Le personnage est tantôt vu en mouvement, et c’est comme une danse qui parcourt tout l’album – tantôt au repos, rêvant, pensant, contemplant. Deux attitudes qui contrastent et disent la jubilation d’être dans cette nature vivante, à écouter, à protéger.

Quant au texte, il est exclusivement consacré aux propos de la créature magique, qui se présente comme une initiatrice qui entraine, dès les premiers mots, la voyageuse dans un autre monde, de l’autre côté de la fenêtre du train. Ce passage dans un univers fantastique marque aussi le passage vers la réalité naturelle, celle qu’on peut percevoir, d’abord par l’oreille (et le texte multiplie les notations sonores), puis par la vue. Très court, le texte peut alors résonner avec les illustrations qui le portent, laissant le temps d’apprécier ses verbes (palpite, battre), ses adjectifs (merveilleux, fragile), ses noms (grondement, daim, coucou), sa comparaison (le sable tiède comme une peau) – tout ceci prépare la chute : le cœur de la terre bat au même rythme que le tien, façon d’assimiler la Terre à un être vivant avec lequel la voyageuse est en harmonie, en synchronie, loin de sa tablette et de sa batterie !

Un ouvrage proposant une expérience sensorielle qui nous entraine dans un voyage initiatique loin des chemins balisés des rails de chemin de fer, au sein d’un univers onirique, pour nous inciter à penser notre relation à la nature, à la terre, pour nous suggérer que nous ne faisons qu’un avec elle.

Par la fenêtre, Emma Robert

Par la fenêtre
Emma Robert, Baptistine Mésange (Ill)
Dyozol, 2018.

Rêverie par la fenêtre

Par Maryse Vuillermet

Un enfant raconte tout ce qu’il voit par la fenêtre.
Le monde d’abord, les montagnes, les oiseaux, le jardin, puis la rêverie l’emmène plus loin, il voit défiler les saisons puis part vers des gens et des mondes inconnus.
Et puis, « des milliers de rêves fleurissent».
C’est un univers très doux et poétique tant par le texte que par l’illustration de Baptistine Mésange

J’en ai assez !

J’en ai assez !
Michel Boucher
Motus (mouchoir de poche), 2012

Rêveries matinales

Par Anne-Marie Mercier

J’en ai assezUn enfant devant son petit déjeuner, un rêve qui se poursuit ? en tous cas une occasion de faire trainer les choses avant de partir à l’école ; évoquer une vache fait surgir un train, qui entraine un pont, qui rêve d’aile, qui se veut nuage, etc., jusqu’au lit qui en a assez d’être vide et réclame un enfant.

Les objets, vignettes échappées de gravures anciennes, se succèdent sur le décor crayonné, toujours semblable : un enfant devant son bol de lait, … de vache… puis un train…

Je sauve le monde dès que je m’ennuie

Je sauve le monde dès que je m’ennuie
Guillaume Guéraud
Illustrations de Martin Romero
Rouergue (Zig Zag), 2012

Pouvoirs et déboires de l’imaginaire

Par Anne-Marie Mercier

Je sauve le mondeMême si les enseignants demandent aux élèves de faire preuve d’imagination, notamment pour écrire des histoires, ils ont traditionnellement pour mission de les empêcher de rêver (rêvasser ?) et ainsi les empêchent de mener les missions sensationnelles que leur propose leur fantaisie rêveuse : pirate, cosmonaute, champion de foot, Eugène est tout cela, tandis que se déroulent les leçons… et même les matchs de foot à la récréation.

Les récits d’Eugène sur ses aventures extraordinaires sont un beau concentré des topos de l’aventure, racontés avec allure, rythme, musique : on y croit – comme lui. L’indignation des enseignants et l’inquiétude de ses parents qui brisent les vagues de ses rêves aboutit à une belle surprise et une belle chute, avec la consultation d’un spécialiste et un dialogue entre celui-ci et le père de l’enfant.

« Eugène a juste besoin de s’évader.
– C’est tout ce que vous avez trouvé ? « Juste besoin de s’évader » ? Mais on en a tous besoin !
– Oui, mais votre fils, lui, est capable de le faire ».