Rita

Rita
Marie Pavlenko
Flammarion 2023

Descente aux enfers…

Par Michel Driol

Que sait-on de Rita, cette lycéenne de terminale, à la flamboyante chevelure rousse ? Une bande de copains (Viggo, Timour, Léna et Romane) ainsi que Monsieur Hems, le professeur de philosophie, racontent cette année de terminale particulière. On n’en dira pas plus pour ne pas révéler ce qu’il faut que le lecteur, ou la lectrice, découvrent en lisant ce roman plein de surprises, dont on ne sort pas indemne.

C’est d’abord un roman qui utilise à bon escient la polyphonie. Chacun des protagonistes évoque des souvenirs, comme s’il était interviewé par une journaliste (écrivaine) qui reste dans l’ombre, figure du lecteur qui reçoit les confidences. Chacun des personnages est attachant, par ses faiblesses, ses failles, sa fragilité, mais ses convictions aussi. Chacun a sa personnalité, ses tics de langage, parle de sa famille, de lui, d’elle, de ses amours, mais aussi – et surtout – de sa culpabilité. Aucun d’entre eux n’a su voir le drame que traversait Rita. On est dans un lycée plutôt bien côté, que Rita a rejoint en début d’année de terminale. Elle intègre une bande de potes qui font la fête ensemble. Le roman est l’occasion d’évoquer deux milieux sociaux et de la façon dont les amitiés adolescentes permettent de dépasser ces clivages, sans toutefois toujours parvenir à mieux se comprendre. D’un côté, il y a ceux qui sont riches, de l’autre Viggo et Rita dont les vies sont plus compliquées en raison du manque d’argent. Orphelins tous deux (l’un de mère, l’autre de père), ils ont en quelque sorte les soutiens de leur famille (le père de Viggo est alcoolique, la mère de Rita usée et fatiguée). Mais cela va-t-il mieux dans les familles riches ? Le roman dresse un portrait d’un pays sans pitié, dont la solidarité est absente, d’un pays où les puissants peuvent tout (harcèlements sexuels…), d’un pays dans lequel les victimes n’ont d’autre ressource qu’elles-mêmes. C’est un roman qui décrit avec lucidité et sans concession notre société, l’importance de la « réputation », la facilité avec laquelle on peut « dégringoler ». Les personnages positifs, qui aident vraiment, il y en a peu, comme cette patronne de la Cupcakerie, qui joue pour Viggo le rôle d’une mère de substitution. Mais c’est aussi une belle histoire d’amour, pleine de tendresse sans mièvrerie, entre deux adolescents qui se raccrochent l’un à l’autre, deux être à la fois fragiles et forts, pleins de douceur et de respect l’un pour l’autre. Une histoire d’amour dont le cadre est la nature, la forêt, la nuit, façon de sortir de l’univers urbain, de dire que, peut-être, la vraie vie est ailleurs.

Un roman sombre, bouleversant, mais non pas désespéré ou désespérant. Le fait divers qu’il relate avec beaucoup de maitrise narrative et d’empathie pour ses personnages est bien représentatif de notre monde, de notre présent, et révélateur à bien des égards de notre société et de ses problèmes, et ne laissera pas ses lecteurs indifférents.

C’est ce soir

C’est ce soir
Clémence G
A pas de loups 2022

Objectif lune

Par Michel Driol

Une poule pleine d’entrain part à la rencontre de ses amis, 1 oie, 2 ours, 3 cochons… jusqu’à 12 lapins, sans oublier une centaine de fourmis et leur donne rendez-vous ce soir. Mais pour quoi faire ? Pourquoi, dans leurs galeries, les fourmis transportent-elles des tubes plus longs qu’elles ? Et quel est le rôle de cet oiseau fantaisiste qui fait l’acrobate d’une page à l’autre sur les fils électriques ? Tout ce petit monde se retrouve donc le soir, pour un compte à rebours suivi d’une magnifique pyramide d’animaux en direction de la lune, les tubes des fourmis servant à construire l’échelle.

C’est d’abord un album à compter les animaux jusqu’à 12, mais aussi jusqu’à 100 pour les fourmis. C’est ensuite un album en randonnée et à énigme, invitant le lecteur à se questionner sur ce qui va se passer ce soir, secret partagé par tous, sauf le lecteur ! C’est enfin un album  sur l’entraide qui permet grâce à l’union de réaliser ses rêves et de tenter de toucher la pleine lune. L’album est porté par un graphisme plein de couleur, de vie et de fantaisie. Les doubles pages en format paysage regorgent de détails à découvrir, comme ce minuscule escargot récurrent. Il faut enfin déplier un volet pour découvrir dans son ensemble la majestueuse pyramide. Le style plutôt naïf de la représentation des animaux, les paroles sagement enfermées dans des bulles donnent à lire une sorte de bande dessinée au dénouement inattendu, poétiquement absurde.

Autour d’un personnage exalté, un album qui suit le rythme d’une journée, joue sur les variations des modes d’invitation, sur l’attitude des différents animaux, pour célébrer les plaisirs de l’entraide et rendre hommage à la nature.

Le mystère Orwitz

Le mystère Orwitz
Rachel Corenblit et Cécile Bonbon
Rouergue dacodac 2020

Pas plus haute qu’un pouce…

Par Michel Driol

Une nouvelle locataire bien mystérieuse vient de s’installer dans l’immeuble de Nola, Louis et Amadéo. Lors de la fête des voisins, la bande décide de visiter son appartement, Nola en tête. Un appareil étrange les miniaturise, et les voilà menacés par des gros rats. Retrouveront-ils leur taille normale ?

Un récit enlevé, avec des personnages hauts en couleurs, Nola qui sait parler à son chat Dago (clin d’œil au Club des Cinq ?), Louis, fils intelligent de parents anglais, et Amédeo, le garçon le plus gentil au monde. Le récit, dont la narratrice est l’héroïne, est construit à partir de la réduction de taille de Nola d’un retour en arrière qui explique comment on en est arrivé là, façon de plonger le lecteur dans le cœur de l’action. L’intégration des illustrations y est très poussée, puisque celles-ci contribuent à faire avancer l’action, et n’ont pas qu’une fonction illustrative. L’ensemble est plein d’humour, plein de vie, de rebondissements, de surprises. Ce court roman permet aux héros de côtoyer des animaux soit pleins de sollicitude, soit adversaires redoutables, des appareils de science-fiction, une savante en exil : autant d’éléments du récit d’aventure destiné aux plus jeunes qui sont des incitations à lire et à se plonger dans un univers à la fois étrange et familier, tout en se demandant si la curiosité est ou pas un vilain défaut, et si science sans conscience n’est que ruine de l’âme….

Une bande sympathique, des péripéties à la fois attendues et inattendues, le cadre d’un immeuble familier : de quoi procurer le plaisir d’avoir un peu peur, et de sourire !

Le Dernier Petit Singe

Le Dernier Petit Singe
Sarah Cohen-Scali
Casterman 2020

Piège diabolique ?

Par Michel Driol

Devant se rendre en voyage scolaire aux Etats-Unis, Karim voit sa photo d’identité refusée par l’agent chargé d’établir son passeport, qui l’envoie à trente kilomètres de là dans un centre commercial pour y faire LA bonne photo qui conviendra. Y arriver n’est pas aisé. Le GPS a du mal à fonctionner. Mais la cabine a un fonctionnement étrange : elle donne des pièces et des billets de 5 €, puis se transforme en un cube qui emprisonne le héros. Pour en réchapper, il est contraint d’accepter une mission. Commence alors un angoissant compte à rebours… qui conduit Karim une nuit, seul dans son appartement, à assister à d’étranges phénomènes.

Voilà un roman complexe qui s’inscrit parfaitement dans le genre fantastique et offre de nombreux rebondissements propres à maintenir une atmosphère inquiétante tout au long du récit. D’abord par les personnages, comme l’employée de la mairie, vieille femme à l’allure de sorcière malfaisante, qui va envoyer le héros en mission. Ensuite parce que la mission du héros ne se révèle à lui que par bribes : qui est la jeune fille à sauver dont il reçoit l’image ? Par l’atmosphère de peur qui envahit peu à peu le roman, et culmine dans cette soirée que le héros passe seul dans l’appartement de ses parents. Enfin parce que la Mal n’est pas là où on l’attendait, et renvoie au un mal présent dans notre société, que l’on ne révélera pas, bien sûr, ici. C’est ainsi que la fin du roman bifurque vers un roman plus social, invitant à ne pas adopter la posture des trois singes qui sont aveugles, sourds et muets, mais au contraire à réagir. Tout au long du texte le fantastique est mis en abyme, laissant le lecteur se questionner sur la frontière ténue entre le rêve et la réalité, avant de réapparaitre à la fin, comme une espèce de pirouette ou de clin d’œil.

Un roman fantastique de qualité qui parle aussi de notre monde où l’horreur existe.

Le Jardin des épitaphes – Tome 1 : Celui qui est resté debout

Le Jardin des épitaphes – Tome 1 : Celui qui est resté debout
Taï-Marc Le Thanh
Didier Jeunesse2016

Apocalypse Now

Par Michel Driol

liv-10806-le-jardin-des-epitaphesA la suite d’une série de catastrophes, la fin du monde est arrivée. Trois « épitaphes » ont fait quasiment disparaitre toute l’humanité.  La terre est devenue un univers désolé, peuplé de pillards menaçants, de zombies et de mutants, où rôdent des machines tueuses. Dans cet univers, un ado de 17 ans, sortant d’un centre mystérieux où il a acquis des pouvoirs surnaturels, retrouve à Paris son petit frère et sa petite sœur. Tous trois entreprennent alors un périple afin de rejoindre à San Francisco leurs parents, avec l’espoir à la fois de les retrouver et que leur père, savant réputé, saura peut-être sauver le monde. Le premier tome les conduit de Paris au sud du Portugal.

Ce roman – entre science-fiction et fantastique – décrit un monde violent dans lequel trois personnages attachants tentent de survivre. De l’humanité telle que nous la connaissons ne reste rien : même les prénoms ont disparu, les trois héros ont des surnoms, Hypoténuse – l’ainé – qui deviendra Turbine, Poisson-pilote le cadet, enfant quasi mutique, et Double-Peine, la cadette, petite fille fragile peut-être atteinte du mal qui frappe l’humanité, l’Aberration.   Il en va de même des autres personnages.  Tout semble déréglé :les animaux les plus féroces sont les amis des humains, mais les chiens sont devenus sauvages et agressifs. Dans cet univers de chaos, Hypoténuse survit grâce à une vingtaine de règles et de fiches, qui rythment le livre, comme une tentative d’introduire un ordre dans le désordre. Autre facteur d’ordre, la tendresse qui unit la fratrie, les petits voyant dans le grand frère leur sauveur, et ce dernier les protégeant comme il le peut de la violence du monde. Tout est vu à travers le regard de ce grand frère, qui tente de retrouver la mémoire et de reconstituer ce qui s’est passé au cours des deux dernières années.  C’est là un des points forts du roman, sa construction non chronologique, qui alterne récit et retours en arrière, mais aussi récits prophétiques au gré des rencontres.

Une mention particulière pour les illustrations de la couverture et de ses rabats, réalisées par l’auteur, graphiste de formation, et pour le site www.lejardindesepitaphes.com  où l’on retrouve d’autres illustrations qui révèlent un univers inquiétant.

On attend avec impatience la suite…

Le Passager de l’orage

Le Passager de l’orage
Claire Gratias
Syros – Rat noir

Job d’été

Par Michel Driol

lepassagerDans un petit village sans doute anglais, Jonathan, 17 ans, vit entre ses parents et sa petite amie avec laquelle il envisage de rompre lorsqu’arrive Katharin Bets, célèbre auteure de polars, qui, par l’entremise d’un des propriétaires du salon thé, l’engage pour le mois de juillet comme secrétaire. Il emménage donc avec elle dans une grande maison, à la très mauvaise réputation. Et là, dans la chaleur épouvantable de l’été, chacun des deux va révéler à l’autre un terrible secret, et commettre un acte inoubliable,  à moins que tout cela ne soit une fiction, car Le Passager de l’orage est à la fois le titre du livre de Claire Gratias et de son personnage Katherine Bets.

Voilà un roman complexe, situé sous le double patronage de Moby Dick et de Des souris et des hommes. Si on frôle parfois le roman gothique (dans les décors, dans le motif du tableau aux pouvoirs maléfiques), on est plus proche d’un roman qui met en abyme l’écriture et l’art, jusque dans la pirouette finale. Qu’est ce qui est vrai ? Qu’est ce qui est faux ? Tout n’est-il que fiction ? De plus, le roman, miroir qu’on promène le long du chemin, montre une réalité sociale sombre : père alcoolique risquant d’être placardisé par un petit chef autoritariste, famille à la dérive, difficultés d’insertion d’un ado, pris entre sa famille, le couple de lesbiennes qui l’affectionne, sa petite amie et l’auteure à qui il sert de secrétaire.

Un bon thriller efficace, découpé en chapitres courts et percutants.

L’assassin de papa

L’assassin de papa   
Malika Ferdjouckh
Syros (Souris noire), 1989, réédition 2013

Meurtres  et cas de conscience dans les beaux quartiers

Par Maryse Vuillermet

l'assassin de papaValentin et son père vivent dans les beaux quartiers de Paris…  mais sur une péniche abandonnée. Ils sont SDF, mangent ce qu’ils trouvent dans les poubelles,  vivent des pièces   que les passants mettent dans leur boite, son père a perdu son emploi, sa femme et son domicile et il est terrifié à l’idée de perdre aussi son fils. Alors,  il ne l’envoie pas à l’école et fuit les services sociaux et la police.

Dans le même quartier,  sévit un tueur de femmes. Or,  son père l’a vu, et pourrait en faire la description, il ne le fait pas pour ne pas être repéré par la police.  Plus tard, son père  et lui sauvent une jeune femme des mains d’un voleur sur le quai, et ce voleur est l’assassin. Dans la bagarre, Valentin tombe à l’eau, la victime l’emmène chez elle se changer.  Là, dans ce somptueux appartement,  Valentin  découvre la différence sociale et la honte de sa pauvreté. Il fait connaissance aussi d’un jeune de son âge,  qui lui parle de l’école.

Encouragé par  Valentin, le père décide d’écrire à la police pour décrire l’assassin.

Puis son père disparaît. Est-ce l’assassin  qui se venge ?

 Le tableau de la misère sociale  n’est pas complétement sombre, il semble juste et nuancé. La solidarité des concierges et commerçants du quartier, l’amour du père et du fils, la gentillesse de la belle jeune femme blonde et de son neveu  qui apprend à lire à Valentin,  rendent ce petit récit  très humain, et très chaleureux.

Une jolie réédition!

Ippon

Ippon   
Jean-Hugues Oppel
Syros ( Fais-toi peur !), 2013

Oui, ça fait peur !

Par Maryse Vuillermet

ippon imageSébastien, 13 ans est gardé par Justine, babysitteuse, répétitrice, quand ses parents sortent. Ce soir-là, il a bien l’intention de se faire embrasser dans son lit par la jeune fille qu’il trouve terriblement existante mais…  la jeune fille,   partie chercher un verre d’eau,  ne remonte jamais l’escalier. Il descend et la trouve égorgée dans le salon, baignant dans son sang. Et l’assassin est encore là.

 Armé d’une lame  dans le noir, il pourchasse Sébastien  dans la maison. Sébastien utilise toutes les leçons de son maitre de judo, son instinct de survie et sa connaissance des lieux pour tenir. Le combat est sans merci, inégal, et le maniaque au rasoir est bien près de le tenir. Pendant ce temps, les parents inquiets  parce que le téléphone ne répond pas tentent de revenir mais ils sont arrêtés par la police et retenus pour un alcootest. Le suspense  est à son comble…

Pour jeunes amateurs de frissons!