Poisson chat

Poisson chat
Dedieu
Seuil jeunesse, 2013

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Par Christine Moulin

chat dedieuL’ouvrage frappe d’abord par la géniale simplicité des moyens employés: de larges aplats de couleurs franches qui attirent le lecteur vers ce qu’il faut remarquer, comprendre, ressentir. Si bien que cet album sans texte provoque aussitôt des réactions intérieures fortes, plus bruissantes que des mots.  Dès la première double page, tous les éléments de la tragédie sont en place: un chat, un guéridon et sur le guéridon, un bocal, et dans le bocal, une minuscule et fragile tache rouge, en forme de poisson… Il y a encore un étage et un fauteuil entre le guéridon et le chat mais dès les pages suivantes, voilà que le cadre se resserre et le chat, pourtant représenté sans yeux, sans moustaches, devient de plus en plus présent…: l’insouciance du poisson rouge qui saute joyeusement, dangereusement (stupidement?) fait mal, fait peur! Le chat ouvre un œil et ce qui devait arriver arrive… le poisson tombe par terre, hors du bocal, frétillant frénétiquement. L’histoire continue, tendue, haletante, alternant couleurs froides pour le poisson et chaudes pour le chat.

La chute, entre fin tragique et fin par trop mièvre, trouve une troisième voie pleine d’ironie et de distance. De quoi s’indigner, discuter… Voilà une histoire très féline en somme, qui se livre et se dérobe pour mieux séduire…

Yakoubwé

Yakoubwé
Thierry Dedieu
Seuil jeunesse, 2012

Je suis mon lion 

Par Christine Moulin

YakoubwéOn se souvient sûrement de Yakouba, ce jeune homme dont le courage avait consisté  à refuser de paraître courageux,  à braver l’opprobre, pour rester juste et généreux. Le revoici. Il lui arrive quelque chose de terrible: Kibwé, son ami lion, est tué par les hommes de sa tribu (Kibwé qui avait eu, lui aussi, droit  à son album).

Sa souffrance est de celles dont on ne peut pas donner la mesure: c’est pourtant ce que Thierry Dedieu parvient à faire, par les mots et les traits qu’il crache sur la feuille. L’histoire, sauvage, se contente, au fond, d’expliquer le titre, qui unit Yakouba et Kibwé. Elle a la simplicité d’une tragédie et parle pour toutes les douleurs injustifiables que provoque l’esprit de vengeance. C’est un conte de désolation et de mort, mais aussi d’apaisement, qui nous ramène aux premières lignes de la première histoire, celle de Yakouba, nous signifiant que derrière l’impression d’éternel recommencement, gît peut-être la possibilité de refuser la fatalité de la violence.

Et l’on emporte en soi le magnifique regard de l’ami lion.