La Carotte, la brute et le truand
Olivier Chéné
D’eux 2021
Western carottes rapées…
Par Michel Driol
D’un côté, un loup, pas très futé (normal, quoi…), et affamé (comme d’habitude). De l’autre un lapin malin (évidemment), fourbe et trompeur (on s’en doutait). Lequel lapin, pour se sauver, propose au loup du dentifrice à la carotte et un déguisement de carotte afin de mieux capturer les lapins. Triomphe du lapin, qui pense avoir ainsi sauvé le monde de la cruauté du loup. Sauf que la dernière image montre que le loup n’est peut-être pas aussi bête qu’on le croyait…
Bien évidemment, le titre est un clin d’œil à Sergio Leone. Gageons que peu d’enfants auront cette culture-là, mais, de plus en plus, les albums jeunesse s’adressent tant aux adultes médiateurs et qu’aux enfants. Evoquons d’abord le plaisir adulte que l’on a à lire cet album, dans les multiples détails graphiques qui évoquent le western : les carottes devenues révolvers, les plans et le découpage, très cinématographiques. Mais les enfants y verront d’abord une histoire de ruse, de trahison et d’apparences trompeuses, pour reprendre la quatrième de couverture. Ils apprécieront l’humour du texte (Les petits déjeuners [du loup] sont tous partis travailler), les expressions comme poser un lapin, les multiples allusions aux vertus supposées des carottes (rendre aimables, faire des fesses roses) et le discours de représentant de commerce bien aiguisé du lapin. Car tel est son métier, carotteur professionnel plein de bagout et prenant un malin plaisir à tromper le loup en le laissant croire qu’il sera ainsi toujours nourri ! Le dialogue entre ces deux personnages archétypés est savoureux et plein de drôlerie. Les illustrations nous conduisent dans un univers très anthropomorphisé : villages aux maisons terriers dont les fenêtres et les portes disent la ruralité heureuse, accessoires liés à la nourriture : serviette, fourchette, couteau, jeux divers des lapins (cartes, dames…). Reste une question insoluble : Qui est la brute ? Qui est le truand ? tant la chute de l’album montre une inversion des rôles qui renvoie dos à dos les deux personnages.
Une histoire bien menée, pleine de fantaisie et d’humour, comme une fable… Car c’est double plaisir de tromper le trompeur…