Collection j’aimerais t’y voir

Collection « j’aimerais t’y voir »
Sarah Ghelam
On ne compte pas pour du beurre, 2024

Où sont les personnages d’enfants non-blancs en littérature de jeunesse?
Sarah Ghelam
Où sont les albums jeunesse anti-sexistes?

Priscille Croce
Où sont les personnages LGBTQI+ en littérature de jeunesse?
Sarah Ghelam, Spencer Robinson

Trois guides indispensables en littérature de jeunesse

Par Anne-Marie Mercier

Les éditions On ne compte pas pour du beurre s’intéressent à la Littérature de jeunesse inclusive « pour la visibilité de tou·tes les enfants et de toutes leurs familles ». Elles publient depuis l’an dernier des ouvrages théoriques fort utiles dans une collection portant le joli nom de « j’aimerais t’y voir », invitant à essayer de comprendre le point de vue de personnes assignées à une identité de genre ou de race, pour commencer : demandant par ses titres où sont les albums jeunesse anti-sexistes et où sont les personnages d’enfants non-blancs et les personnages LGBTQI+ en littérature de jeunesse, elle permet d’avoir une vue critique sur des aspects souvent mal connus d’un secteur de l’édition. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, celui-ci est encore frileux face à certains changements sociétaux. L’éditrice, dans un avant-propos percutant, raconte comment elle a rencontré Sarah Ghelam, dans un contexte qui illustrait tristement les crispations de certain/es acteur/es de ce secteur éditorial, et dans quelles circonstances elle lui a confié le développement de cette collection. Belle histoire, très bon choix.
Comme le montrent ces ouvrages, il ne suffit pas d’aborder un sujet nouveau, encore faut-il le faire correctement. Si la première question, celle du sexisme, a déjà été bien explorée par la critique (notamment à travers les ouvrages de Carole Brugeilles, Isabelle et Sylvie Cromer (2002), Nelly Chabrol-Gagne (2011), Christiane Connan-Pintado et Gilles Béhotéguy (2014), Christian Bruel (2022) et  Julie Fette (2025, en anglais et en ligne) pour ne citer que les principaux, et sans parler de tous les articles et mémoires consacrés à ce sujet, ce n’est pas le cas des deux autres, surtout du troisième.
La question de la présence dans les albums de personnages LGBTQI+ ou, pour le dire autrement, des personnages non binaires, homosexuels, ou hésitant sur leur genre ou leur orientation sexuelle, est souvent abordée dans des chapitres d’ouvrages généraux sur la littérature de jeunesse et le genre et dans des mémoires d’étudiant/es portant sur ces question. C’est d’ailleurs à partir d’un mémoire que cette collection est née. La présence de couples homosexuels et d’homoparentalité dans les albums fait oublier parfois que la présence d’un personnage ne suffit pas: tout est dans le comment on présente ces personnages, dans quel contexte, et quel rôle qu’on leur assigne. Tout cela est parfaitement et clairement problématisé dans cet ouvrage.
La question des personnages non-blancs demeurait la moins étudiée. Le livre de Sarah Ghelam a le grand mérite de classer de manière très éclairante les différentes catégories d’albums présentant de tels personnages. Cette classification permet de mettre en évidence la quasi absence de personnages non-blancs dans un contexte européen contemporain et de montrer comment les « bonnes intentions », relevées par Elodie Malanda dans sa thèse (2017), n’empêchent pas la plupart des auteur/es de porter involontairement un regard empreint de colonialisme, sinon de racisme, sur leurs personnages.
Ces trois ouvrages, courts mais bien informés, clairs et intelligents, toniques même, invitent chacun (critique, auteur/e, éditeur ou éditrice, étudiant/e, enseignant/e, lecteur ou lectrice…)  à progresser dans la compréhension de ces questions. Ils présentent des pistes pour poursuivre le travail. On y trouve de nombreux d’exemples d’albums et des analyses parfois poussées, comme c’est le cas de Comme un million de de Papillons noirs de Laura Nsafou, publié en 2017 par Bilibok grâce à une campagne participative (autant dire qu’aucun éditeur n’en avait voulu) et qui d’après Sarah Ghelam a dépassé en 2024 les trente mille exemplaires vendus, continuant sa vie chez Cambourakis à partir de 2018, et se faisant connaitre grâce à plusieurs articles de presse écrite ou radiophonique.

On peut poursuivre à travers  le site de Cambourakis : « Laura Nsafou, écrivaine et blogueuse afroféministe, aborde sur son blog Mrs Roots les questions relatives à l’afroféminisme en France et la visibilité des littératures afro. De la création de sa plateforme mrsroots.fr à l’animation de plusieurs projets culturels (ateliers d’écriture, rencontres, ateliers jeunesse, etc), elle s’intéresse au manque de représentativité de la société dans la littérature française ».

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