L’Arpenteur
Victor Hachmang
Traduit (anglais) par Basile Béguerie
Casterman, 2025
éboueur apocalyptique
Par Anne-Marie Mercier
La planète terre est devenue une poubelle, inondée et croulant sous les déchets toxiques. Le héros vient de la terre artificielle toute proche où se sont réfugiés les survivants de la dernière catastrophe. Il devait y larguer le contenu de son porteur-benne puis revenir et s’est échoué. On ne sait ce qui a causé l’accident et pourquoi ceux qui devaient le secourir l’abandonnent.
Le personnage, Géo, marche, navigue sur des canaux ou des étendues plus larges, explore des terres désolées, tantôt sous la pluie, tantôt par une chaleur dévorante. Il traverse d’anciennes villes, des marécages, une forêt…
Le récit post-apocalyptique est porté par la poésie de Shakespeare : Géo a trouvé un livre illustré, La Tempête, dans les mains du cadavre du dernier visiteur de la planète. Les paroles de Prospero l’accompagnent dans un périple maudit. Ce récit de survivant est adressé au personnage, Géo, à travers un « tu » qui le rend encore plus étranger à lui-même. Quelques épisodes de remémoration de son enfance, de son accident ou des jours d’ennui qui ont précédé la chute de son engin offrent des échappées dans le récit de son Odyssée.
Les images, gros plans sur son visage torturé, ou plans d’ensemble sur le décor, sont souvent déstructurées, les cases déformées. On sent l’influence de Moebius, mais aussi sans doute de Druillet. Les couleurs agressent, mêlant noirceur et fluo jusqu’à un apaisement final dans le vert d’une nature presque accueillante et dans une solitude acceptée. La tempête s’est calmée et c’est sur une île que ce nouveau Robinson rencontre (réalité ou fantasme ?) son Vendredi, qu’il appelle Ariel, du nom du génie des airs dans La Tempête. Ce récit halluciné, sans direction propre, a une grande force dans ses images. Enfin, donner le rôle principal à un éboueur est peu commun, et le nommer, simplement à travers le titre, « l’arpenteur », tout cela lui donne un destin.