Maman sur le fil à plomb
Hélène Gloria – Barroux
D’eux 2025
Garder l’équilibre…
Par Michel Driol
Le narrateur fait le portrait de sa mère, maçonne. D’abord au travail, il la montre dans un univers masculin, montant des murs, grutière, ou faisant le béton. De retour chez elle, elle est blanche, comme un clown et raconte à ses enfants des histoires pleines de châteaux. Elle s’inspire de la nature, des castors, s’excuse auprès des pierres de leur fendre le cœur et devient tailleuse de pierres ou camionneuse. Quant à leur maison, biscornue, sans portes, elle n’a que le ciel pour toit.
Avec ses rimes, le texte est un petit bijou, montrant le regard admiratif de l’enfant devant cette mère extraordinaire. Un texte qui n’hésite pas à user des mots techniques, parpaing, truelle, tuffeau ou linteaux pour mieux plonger le lecteur dans cet univers à la fois très matériel, mais aussi rempli de l’imaginaire de la mère et de l’enfant. Cela se traduit par des comparaisons, celle du béton avec la béchamel, ou par l’évocation des histoires du soir de cette mère, histoires qui empruntent à l’histoire des bâtisseurs d’œuvres qui ont résisté au temps.
Barroux illustre joliment ce texte, à l’aquarelle et l’encre, mettant en évidence par ses longs cheveux roux cette maman toujours active et dominante, même lorsqu’elle semble si petite et fragile dans sa grue qui devient un géant aux longues jambes. Des images qui font voyager le lecteur du chantier à la maison, du jour à la nuit, du réel à l’imaginaire des histoires du soir jusqu’à cette page, presque la dernière, qui illustre le tire, montrant une femme au milieu d’un réseau de lignes sur lesquelles, comme un équilibriste, elle avance. Et le contraste n’en est que plus saisissant avec la maison familiale pleine de fantaisie.
Au-delà du portrait de cette mère, c’est un hommage à toutes les mères qui travaillent, concilient vie familiale et métier difficile – un métier d’homme diraient certains -, nourrissant l’une par l’autre, et construisant un bonheur familial plein de joie, de bonhomie, de fantaisie et de créativité. Il s’agit bien de déconstruire des stéréotypes de genre, de montrer la complexité d’un personnage admirable, et de dire comment elle se maintient en équilibre entre tous les rôles qu’elle assume, en mettant l’accent sur l’imaginaire – tant celui de la mère que celui de l’enfant narrateur, comme pour donner à voir et à entendre cette transmission d’une certaine conception de la vie et du bonheur.
Un album de grand format, qui donne à voir le monde du travail manuel (c’est rare dans la production actuelle des albums jeunesse) sans opposer travail manuel et créativité. Un album qui se tient sur le fil des sentiments de l’enfant, entre joie et émotion…








