Le Pêcheur et les revenants
Max Estes
Traduit (anglais) par Génia Catala
La Joie de Lire, 2013
Des pirates en noir et blanc
Par Matthieu Freyheit
Noir et blanc. Comme les non-couleurs du Jolly Roger, ce drapeau en forme de Vanité promenée sur les mers par les pirates en guise de menace autant que de rébellion devant l’ordre du monde, mais aussi devant la vie et la mort elles-mêmes.
C’est bien de vie et de mort qu’il s’agit ici pour ce pêcheur nocturne qui croise la route d’un navire pirate peu commun. C’est peu dire : son équipage est constitué de revenants représentés par des squelettes ou, le plus souvent, de simples têtes de mort. L’insomnie du pêcheur joue-t-elle en défaveur de sa raison ? La légende du Hollandais Volant n’est guère loin, maintes fois reprise en fiction jusqu’à devenir un topos de la fiction maritime et de piraterie, de Mac Orlan aux plus récents Pirates des Caraïbes. Ce que veulent ces revenants ? Une âme fraîche pour s’en repaître, car il faut bien que les fantômes se nourrissent. Celle du pauvre pêcheur, vieil homme sans marlin au bout de la ligne (mais le vaisseau pirate est peut-être la plus grosse prise de son imaginaire), ferait parfaitement l’affaire. Se sauvera-t-il des griffes invisibles de ces pirates aussi immatériels qu’affamés ?
Tout le livre joue précisément sur le visible et l’invisible, sur ce que montre l’alternance du noir et du blanc, mais aussi sur la part du possible et de l’impossible dans cette fiction onirique, insaisissable, dont il vous reste à découvrir la fin.