Virus 57

Virus 57
Christophe Lambert et Sam VanSteen

Syros, 2014

Paranoïa-song

Par Matthieu Freyheit

virus-57Un roman original et intéressant qui contrevient à l’image, si populaire actuellement, du hacker héros même dans son ambivalence presque romantique. Christophe Lambert et Sam VanSteen en offrent une représentation à la fois cruelle et ironique, au sein d’un roman qui met en scène l’illusion et le hasard du romanesque.

57 adolescents, nés d’une insémination artificielle, sont potentiellement contaminés par leur père biologique commun : un virus mortel, fulgurant et contagieux, déclaré par grosse chaleur, et un donneur devenu introuvable, empêchant toute tentative de constituer un remède.

Des adolescents meurent, tous les autres sont rapidement repérés et ‘mis au frais’ pour leur sécurité et celle des autres. Tous ? Non : Virgil, jeune hacker adepte des théories du grand complot universel, pense avoir piraté le site de la CIA et récupéré des documents cryptés d’une importance capitale (filouteries gouvernementales, ‘vérité sur le 11 septembre’, existence des extraterrestres, etc.). Persuadé d’être pris en chasse pour être réduit au silence, Virgil échappe aux autorités sanitaires et entraîne dans sa fuite le jeune Sia, qui se laisse convaincre.

Sauf que…

Héros insupportable d’une histoire qui ne devait pas en être une, Virgil permet aux auteurs de discourir sur la fascination du secret, mais aussi sur l’exercice d’un ego inébranlé, incapable d’admettre sa négation et la validité du monde extérieur. Entre inconscience et certitude, le roman met en scène le leurre que l’on est à soi-même ainsi que le déni de réel confinant à la psychose. Une façon de rappeler, avec Péguy, qu’il « faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ».

Le personnage de Sia est, quant à lui, assez peu intéressant : obéissant à un paranoïaque manifeste, elle ne parvient ni même ne cherche à aucun moment à faire cesser la cavale insensée. Mais, précisément, c’est cet inintérêt qui fait toute la tension d’un récit dans lequel les auteurs ne cherchent pas à faire des personnages des héros réussis, mais des héros de leurs erreurs (serait-ce cela l’adolescence ?).

Ce pari difficile est relevé, si tant est que l’on accepte de lire ce roman avec tout le besoin de distance qu’il appelle, et qu’il met en scène.

 

 

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