Angie M

Angie M
Rascal
, dessins d’Alfred
L’édune (empreinte), 2011

Liaisons dangereuses en roman graphique

Par Anne-Marie Mercier

 Angie M.gifAngie, c’est le titre d’une chanson des Stones, une chanson sur un amour perdu. Le personnage de ce  court roman graphique s’appelle Angie Monde, tout un programme. Et c’est bien une part du monde qu’elle représente. Elle est dans un lit d’hôpital. A son chevet, un  policier, Etienne Bufka, attend qu’elle parle et qu’elle explique. Il est question de choses graves : de la trahison en amour, du désarroi des très jeunes filles (Angie a tout juste 15 ans) devant une grossesse inattendue, non voulue, du déni, et de ce qui s’ensuit ; plus largement il est question d’enfances à la dérive, d’adolescents trop seuls qui vivent « comme des grands » mais sont incapables d’être adultes. « C’est la vie qui est terrible », dit l’inspecteur à celle qui reste au niveau du fait divers

Ce livre traite de tout cela, de façon assez crue parfois, mais toujours juste, sans en rajouter ni s’appesantir sur un discours moral. Peu de paroles échangées : le policier est dans ses pensées, attendant que les paroles viennent. Angie se repasse son film d’amour et son film de drame. Tout cela est rythmé par le temps de l’hôpital. Les dessins sont sobres, tous orientés vers le concret du décor et des objets, celui que le texte, tout entier dans l’intériorité des personnages, ne dit pas : le lit, le plateau, le drap, la chaise, le tableau. C’est sur l’évocation du tableau de Van Gogh que se noue et se clôt le dialogue, lesté de non-dit que le lecteur doit détricoter pour essayer de comprendre un peu plus Angie.

Ce petit roman-BD réussit un tour de force : il se tait. Les personnages se taisent ou échangent des paroles banales. Le sens est au-delà des mots, dans le secret et la pudeur de chacun. Le lecteur est ainsi au chevet d’Angie Monde, constatant (comme madame de Rosemonde dans Les Liaisons dangereuses) que face à certains malheurs, il n’ y a plus qu’à pleurer et à se taire.

Rappelons que Laclos a écrit son roman pour prévenir les jeunes gens ­– et surtout les jeunes filles – des dangers de la vie, « terrible ». Ce très beau texte joue le même rôle, mêlant poésie et crudité.

La collection « l’empreinte est dirigée par Régis Lejonc dont on connaît les exigences artistiques et la volonté d’être en prise sur la dureté du monde. D’autres volumes sont parus, avec le même principe de mélange entre roman illustré et BD, et avec le même ancrage sur des thématiques sociales : misère, maladie, violence… et des auteurs et illustrateurs de talent.

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