Un courant d’air
Juliette Binet
Le Rouergue 2012
Album courant d’air
Par Maryse Vuillermet
Cet album est un livre accordéon en noir et blanc. Seule, la couverture est en rouge et blanc. Il se lit de gauche à droite mais à la fin, on revient à la première image, il est donc circulaire aussi.
Au bord de la première image, on voit les pieds d’un jeune homme dont on verra le corps dans la dernière image. Au tout début, une jeune fille joue d’un instrument bizarre, un cor à l’immense tuyau qui s’enroule à l’infini. L’air qui sort de l’embouchure du cor forme un triangle noir puis va ébouriffer les cheveux d’autres femmes, gonfler leur robe, (l’une est enceinte ?) les déséquilibre. Le triangle noir devient un cerf-volant tenu par un enfant qui a du mal à résister à son mouvement. Puis, les cheveux d’une des femmes deviennent bâtiments, usines avec fumés qui deviennent lettres puis arbres, qui deviennent éléphant. Sa trompe crache de l’eau qui devient océan, vagues où nagent des poisons qui se mettent à voler et deviennent des nuages. Un jeune homme celui dont on voyait les pieds attrape l’un des nuages, il a lui aussi les cheveux ébouriffés et est en déséquilibre.
Le titre Un courant d’air, nous indique plusieurs pistes de lecture, un air courant sur la page, le souffle de l’instrument, métaphore du souffle vital, de l’inspiration poétique, de l’imagination qui emporte et transforme tout, ou métaphore du pouvoir de l’artiste ou du pouvoir de l’amour. D’autres circuits de lecture peuvent se deviner. La jeune fille devient femme, avec une robe gonflée comme si elle était enceinte. Les univers de ville et de forêts s’entremêlent, les animaux se métamorphosent, tout est mouvement et circulation. Ou la jeune fille, grâce au vent, au souffle, à la musique rencontre le jeune homme qu’elle ne pouvait voir, au début, elle ne voyait que ses pieds.
Le livre se referme en cercle, revient sur lui-même.
Ce dessin à la fois précis et fluide, fixe et fuyant, et la disposition en accordéon, confèrent à l’image une dynamique, un mouvement très puissants. Le « lecteur, spectateur » est emporté par les métamorphoses de l’image, par sa circulation rapide et par son imagination.