Mauve

Mauve
Marie Desplechin
L’école des loisirs (neuf), 2014

Après Verte et Pome, sombre Mauve

Par Anne-Marie Mercier

 

« Je regarde autour de moi, je ne vois que du noir, des nuages qui s’amoncellent. […] Les catastrophes anciennes n’ont rien changé. Personne n’a rien appris. Le mal va revenir, je le vois, il avance ».

mauveAprès Verte et Pome, deux charmantes petites sorcières, filles de sorcières, petites-filles de sorcières… voici Mauve. Rien à voir : Mauve est aussi glaçantes que les autres filles sont vivantes ; elle a un père mais pas de mère (les mères et grand-mères jusqu’ici prenaient de la place) ; enfin, autre changement majuer, Mauve et son père sont vêtus impeccablement et fort classiquement, ils cultivent le conformisme et ne sont guère aimables.

Ici, Marie Desplechin utilise à fond la veine fantastique : les héros, Verte et son ami Soufi, s’affrontent au Mal, aux Ténèbres… Mais la veine réaliste ne disparaît pas pour autant : le système de chapitres en points de vue alternés que l’auteur utilise à nouveau donne la parole à de parfaits ignorants en matière de sorcellerie comme le brave Ray, grand-père paternel de Verte et amoureux de sa grand-mère maternelle (l’extraordinaire Anastabote que l’on retrouve avec plaisir), policier à la retraite, sympathique mais un peu dépassé.

Enfin, Marie Desplechin tire le fantastique du côté de la fable : le déchaînement du voisinage contre une famille qui ne se comporte pas tout à fait comme la plupart d’entre eux, le harcèlement dont les filles sont victimes au collège sont en relation avec des événements bien réels et toujours contemporains. L’ancêtre de Verte résume une histoire de l’humanité faite de persécutions – contre les sorcières mais on devine que le propos va plus loin :

« « Il n’y a pas eu un temps sans camps, gibets, tortures, bûchers et victimes pour les alimenter. Et pourtant nous avons gardé l’espoir. Pourquoi ? Parce que le Mal ne revient jamais seul. Il est toujours suivi d’une petite gourde aventureuse, armée d’une hache et d’une sarbacane. Elle a porté de nombreux noms au cours de l’Histoire. Aujourd’hui, pour moi, elle s’appelle Verte. »

C’était un discours terriblement solennel même si « bécasse » n’était pas exactement l’épithète sublime dont j’aurais rêvé. J’ai pris ma hache à deux mains […]. Physiquement, je ne me sentais pas très soutenue. Mais moralement, j’étais gonflée à bloc. Mon peuple était en haillons. Mais mon peuple était là. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *