U4. Yannis

U4. Yannis
Florence Hinckel
Nathan / Syros, 2015

U4- la filière marseillaise

Par Anne-Marie Mercier

Sur le projet global de U4, voir sa présentation dans un article précédent.

u4-yannisDans le volume de Florence Hinckel, le personnage central est Yannis. Lorsque le roman commence, il est encore dans sa chambre, dans l’appartement où se trouvent encore les corps de ses parents et de sa petite sœur, morts dans l’épidémie. Son premier acte est de mettre le feu à l’immeuble, faute de pouvoir les enterrer comme le veut leur religion. On devine assez vite que Yannis, originaire du quartier populaire du Panier à Marseille, est de milieu populaire et musulman, sans que cela soit dit explicitement : c’est un roman à la première personne et donc une évidence qui n’a pas besoin d’être assénée. Marseille, le lieu de la dernière grande épidémie européenne (celle du choléra au 19e siècle a été plus limitée et mieux contrôlée) est en proie à une guerre civile où dominent les garçons du quartier de Yannis. On voit très vite, comme dans les autres romans de la série, que la situation est encore plus grave pour les filles que pour les garçons s’ils ou elles sont isolé/es et non armé/es.

La première partie du roman est un « road movie » : Yannis part pour Paris en s’accrochant à son dernier espoir, celui du message envoyé par Khronos, maître du jeu en ligne WOT où il a comme avatar le Chevalier Adrial. Sans cesse, Florence Hinckel le montre partagé entre deux personnalités, celle de Yannis, pleurant et souffrant de la perte de ceux qu’il aime, inquiet de son chien nommé Happy, fou de joie lorsqu’il retrouve des amis… et de douleur lorsqu’il les perd, terrorisé en permanence, et Adrial, héros prêt à tout pour sauver les princesses en détresse et rejoindre la quête proposée par Khronos. En voiture ou en motocyclette, squattant un appartement ou une villa cossue désertée par ses habitants, bivouaquant dans le froid en forêt, fuyant toujours, tous les êtres rencontrés étant des ennemis, il rejoint Lyon pour tenter de retrouver un autre expert du jeu « Lady Rottweiler ».

La peinture de la situation à Lyon est pittoresque pour qui connaît la ville : tout y est mieux organisé (qu’à Marseille…), il y a du brouillard, les rescapés sont logés pour certains dans le lycée du Parc (petite description assez fidèle) et dans le Parc de la tête d’or, la petite bande qui accompagne Yannis s’enfuit en Kayak en descendant le Rhône jusqu’au confluent…

Mais Lyon est aussi le lieu de la violence, celle du meurtre que commet Yannis pour défendre une fille, celle des pillards, celle qui provoque des massacres d’animaux, celle de l’armée qui passe aux Napalm les ados récalcitrants… Et au-delà de Lyon, où la fuite continue, en voiture ou à pied à travers le Morvan, dans le froid et la compagnie des loups, les fantômes accompagnent Yannis qui semble laisser des morts sur son passage comme un Petit Poucet des cailloux, des fantômes dont il ne se délivre que progressivement au cours de roman, en donnant une sépulture à d’autres que les siens.

Roman du deuil et des larmes, bien écrit, varié quant aux situations et aux paysages, porté par un personnage sensible et fragile mais capable d’agir face au danger, Yannis est une belle étape dans le parcours U4.

 ( à suivre… prochainement, Stéphane, par Vincent Villeminot)

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