Jean-Yves à qui rien n’arrive / Huit farces pour collégiens
Pierre Gripari, Illustrations de Till Charlier
Grasset-jeunesse, 2013 et 2015
Mine de contes
Par Anne-Marie Mercier
Jean-Yves n’a « rien à raconter », dans la mesure ou à part naître, il ne lui est rien arrivé, dit-on. Mais, disant cela, on oublie qu’il a été abandonné peu après. Ce petit détail peut-il expliquer à la fois sa solitude et sa capacité à inventer des histoires ? Celles-ci sont rapportées par le narrateur, un enfant qui est devenu son ami. Elles illustrent le pouvoir des contes : ils guérissent des terreurs enfantines et permettent de comprendre bien des choses ou d’embellir une réalité qui serait plate sans cela.
C’est aussi un ouvrage qui apprend l’art du conte : si les histoires sont complètes au début, assez vite une perturbatrice (pointe de misogynie ?) se glisse entre l’enfant et Jean-Yves et l’empêche de finir correctement ses histoires ; il faut combler les blancs. On y retrouve aussi l’acidité et l’irrévérence de la pensée de Gripari : scatologie, goût du bizarre, dialogues à la logique imparable.
Les éditions Grasset poursuivent leur entreprise de réédition de Gripari, initiée en 2012 avec les Sept farces pour écoliers, elles aussi illustrées par Till Charlier (mais c’est toujours Claude Lapointe pour les célèbres contes de la rue Broca et de la Folie Méricourt).
Les Huit farces pour collégiens proposent des pièces à jouer, de deux à sept personnages, qui pour la plupart reprennent les classiques de Gripari : le géant aux chaussettes rouges, la sorcière du placard à balais, la sorcière de la rue Moufetard, la fée du robinet, etc. Un dialogue savoureux met en scène Perrault dialoguant avec le loup, puis la Mère-grand et le Chaperon rouge, venus pour l’annonce qu’il a mise dans la presse pour leur proposer un rôle : il ne fait pas bon être conteur de nos jours !