Ferme les yeux
Victoria Perez Escrivà, Claudia Ranucci
Traduit (espagnol) par Jeanne Calmels,
Syros, 2014
Par Anne-Marie Mercier
« Quand j’essaie d’expliquer quelque chose à mon frère, il n’est jamais d’accord avec moi :
– tu vois un arbre, c’est une plante très haute couverte de feuilles.
– Mais non, un arbre, c’est un très grand bâton qui sort de terre et qui chante. »
Et le dialogue se poursuit sur ce qu’est une couleuvre, une pendule, le fait d’être sale… jusqu’au père qui est pour l’un « est un grand monsieur avec un chapeau » et pour l’autre, « un bisou qui pique et qui sent la pipe ». Deux frères, donc, qui ont deux façons d’appréhender le monde, l’un plus rationnel et l’autre plus sensible.
On se rend compte peu à peu que celui-ci utilise tous ses sens, odorat, ouïe, toucher, goût, sauf celui de la vue. Cette impression se confirme lorsqu’à la fin du livre la mère des enfants répond à celui qui se plaint : « Peut-être que vous avez raison tous les deux […] Ferme les yeux ».
Aussi bien méditation sur la façon d’appréhender le monde selon les caractères qu’invitation à comprendre l’univers d’un enfant mal voyant, cet album est extrêmement adroit et… sensible. Pas de misérabilisme, pas d’apitoiement, le monde vu par l’enfant aux yeux fermés est plus riche et plus beau que celui du voyant, mais plus difficile (il ne voit pas ce qu’indique l’horloge, ne voit pas les objets lointains, n’a que faire d’une ampoule électrique).
Petite merveille publiée antérieurement en plus grand format (2009), ce petit album est paru dans la collection des « Mini albums Syros », beaux et abordables (5€50).
Merci pour cette découverte 🙂 Le livre me tente bien.