Les Cités obscures, livre 2

Les Cités obscures, livre 2
François Schuiten, Benoît Peeters
Casterman,
2018

« Bloc ici-bas chu d’un désastre obscur »…

Par Anne-Marie Mercier

 

Les Cités obscures de François Schuiten et Benoît Peeters font partie du patrimoine européen (et peut-être mondial) de la bande dessinée : ce qu’on peut désigner sous le nom de « série » bien que les choses soient plus complexes (onze albums publiés, à partir de 1983), propose une rêverie architecturale évoquant à la fois la beauté et la grandeur des villes, leur monstruosité et leur fragilité. Ces villes sont souvent nées de projets portés par l’Hubris, la démesure (comme celui de le tour de Babel) ou la soif de pouvoir, mais aussi parfois par des idéaux esthétiques, politiques et sociaux qui font la grandeur de l’homme.
Tous ces récits, sous la forme de fables fantastiques se déroulent dans des
univers parallèles qui communiquent parfois avec notre monde, mais ont toujours un rapport avec celui-ci. « La Tour » évoque tout à la fois la tour de Babel et l’Italie de la renaissance (à travers l’architecture des étages élevés et à travers les personnages : le « mainteneur » maçon Giovanni et la belle Milena – et peut-être la Prague de Kafka à travers elle ?) puis par un saut dans le temps, les guerres européennes du XIXe ou XXe siècle ; « La Route d'Armilia » nous fait voyager vers le grand nord à bord d’un zeppelin, tandis que tout au long de leur voyage les personnages voient sous leur vaisseau Brüssel envahie par des lianes à croissance fulgurante, Bayreuth désertée de ses habitants, Kobenhavn aux mille tours menacée… Dans "Brüsel", on découvre la folie d’un projet immobilier (proche de celui qui a détruit une partie de l’ancienne ville du même nom) et la catastrophe qui va engloutir la ville sous les eaux. "Le Dossier B", qui reprend des éléments d’un faux documentaire produit pour la télévision en 1995. "Les Chevaux de Lune", récit sans texte, est plus directement orienté vers un jeune public (il est du moins paru en 2004 dans une collection qui leur est destinée, les « Petit Duculot », toujours chez Casterman et "La Perle", jolie réécriture de la « Princesse au petit pois » dans un univers qui fait penser Monaco du prince Albert et Grace Kelly (voir le film d’animation, qui suit plus fidèlement le conte et ne donne pas à la mère du prince le mauvais rôle) .

Des dossiers permettent de mieux comprendre l’architecture imaginaire (à tous les sens du terme) de cet ensemble : l’inspiration d’artistes comme Bruegel et Piranèse (les Prisons), Orson Welles (qui a servi de modèle à la figure de Giovanni) ; une « encyclopédie des transports présents et à venir » montre les prototypes qui ont servi à la dynamique des déplacements. Enfin, ce lourd et épais volume, comme les autres (4 volumes parus) est une pierre essentielle à l’édification de l’ensemble,

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