Un Mouton au pays des cochons
Alice Brière-Haquet, Pénélope Paicheler
Amaterra, 2018
Fable moderne
Par Anne-Marie Mercier
Sur un thème bien connu, celui de la différence et de la tolérance nécessaire, que le regretté Ungerer avait magistralement illustré dans Flix, cette fable déroule un fil a priori peu original : le mouton ostracisé finit par se faire accepter en se montrant généreux. Mais au-delà de ce thème convenu, cet album surprend par sa peinture amère du monde comme il va – au pays des cochons, s’entend : la méchanceté gratuite à l’égard de celui qui est différent s’exprime par mille vexations. Martin – son voisin –, la boulangère, le kiné, les enfants… toute la ville rejette ce corps étranger.
La situation n’est pas renversée du tout au tout par un exploit du héros (comme dans Flix ou dans Le Problème avec ma mère de Babette Cole) : lorsque Martin fait une mauvaise chute dans la rue, dont il peine à se relever, boueux, ses vêtements déchirés, la dureté des habitants de ce pays s’exerce cette fois contre lui ; tous le regardent de travers ou se moquent de lui ouvertement. Seul le mouton lui tend une patte secourable.
Ils partent ensemble et Martin découvre les mauvais traitements infligés à son nouvel ami. Ils se découvrent des goûts communs, même si des différences demeurent, et cette amitié fait que la vie devient plus douce, comme le remarquent les agneaux : « Bien sûr avec un ami, la vie de papa est bien plus sympa. Et s’il y en a que ça ennuie, eh bien tant pis : qu’ils aillent faire leur tête de cochon ailleurs que sur notre paillasson. »
L’histoire est racontée par mouton fils, qui fait des vers de mirliton et ne prend pas les choses au drame ; c’est comme ça et voilà. C’est une fable douce-amère dont les illustrations montrant des cochons de tous âges et de toutes conditions, habillés et se comportant comme des humains très ordinaires, font sourire tout en posant la question de la ressemblance de ce monde avec le nôtre.