Les Enfants de Médée
Suzanne Osten et Per Lysander [1975]
Traduit (suédois) par Marianne Ségol-Samoy
Théatrales jeunesse, 2009
De la tragédie pour les enfants ?
Par Anne-marie Mercier
« Inspiré librement de la pièce d’Euripide », le texte de Suzanne Osten et Per Lysander est fidèle à son esprit : Jason est infidèle, Médée est folle de douleur ou de colère, les deux sans doute. Les enfants sont à la fois perplexes et terrifiés. Tout cela est transposé à l’époque moderne, mais le plus grand changement vient du point de vue : c’est celui des enfants qui, dans la pièce n’existent que pour mourir sous les coups de leur mère.
Ils parlent entre eux. Petit Jason questionne sa grande sœur, Petite Médée, sur ce qui se passe et sur les mots qu’il ne comprend pas (comme « se séparer »). L’angoisse monte progressivement, avec les commentaires du chœur, ceux de la nourrice, et avec la violence des paroles de Médée et l’hypocrisie de Jason, jusqu’à une tentative de fugue, puis la scène du meurtre… qui est un cauchemar raconté par l’un des enfants. Après ce récit, comme sous l’effet d’une catharsis, la violence faiblit, une solution est trouvée, une acceptation plus ou moins, difficile finalement pour Jason.
L’écriture est sobre et belle, les parents et le chœur parlent dans le style du drame antique, la nourrice traduit en langage moderne courant ; les paroles des enfants sonnent juste ; elles sont aussi parfois drôles et crues. Le drame qui se joue est à la fois mythique et réel, le mythe se rapproche du fantasme par la vérité du rêve.
La transposition est parfaitement réussie. Devenue un classique en Suède, la pièce émeut autant les adultes que les parents et illustre une idée du théâtre pour le jeune public forte : un théâtre qui s’adresse à tous et qui parle de l’enfance et des enfants en les mettant au cœur du théâtre.
« Petite Médée : J’ai rêvé qu’on était morts ; Tu étais allongé comme ça… (Elle l’allonge par terre.) Et moi comme ça. (Elle s’allonge sur le lit.) On nous avait tués à coups de hache. La hache était décorée de grelots… J’avais reçu des coups de hache dans le ventre et toi dans le cou. Ta tête était tombée et elle roulait par terre comme un ballon. Elle fait rouler le ballon) Et c’est à ce moment-là que papa est arrivé. Il a pris ta tête parce qu’il devait aller au terrain de foot pour jouer et quand il l’a vue il a dit (Jason mime) : « Il ne s’est même pas brossé les dents »
Petit Jason: Pourquoi on était morts? Qu’est ce qui était arrivé?
Petite Médée : Je ne sais pas . Maman était fâchée et elle s’était servie de ses pouvoirs… »