Le Royaume de Pierre d’Angle, t. 1 : l’art du naufrage

Le Royaume de Pierre d’Angle, t. 1 : l’art du naufrage
Pascale Quiviger
Rouergue, 2019

Pur délice par mer, terres, bois, jusqu’à La Forêt

Par Anne-Marie Mercier

Sous un titre assez banal (combien de royaumes imaginaires depuis ceux de George R. R. Martin (Le Trône de fer) ou même la Terre du milieu de Tolkien (au fait, sur ce dernier il se passe des choses : allez voir dans la page actualités de Li&je) se cache une œuvre très originale.

Cette originalité tient sans doute à son écriture, qui n’a rien de révolutionnaire mais est simplement belle, fluide, parfaite. Chaque image est juste et parlante, les mots sonnent comme des petits cailloux chargés de sens qu’on peut tenir dans sa main. Une évidence, direz-vous ? pas tant que cela. Les dialogues ne sont jamais creux, et ils portent la marque des locuteurs : chacun son style et son allant.

Quant à l’histoire, elle est palpitante, étrange ; elle reprend de vieux thèmes de contes et de romans d’aventure en leur donnant une allure toute neuve tant ils sont retravaillés et insérés de manière naturelle dans un monde autre. On devine assez vite que les amours longtemps différées des deux héros trop parfaits vont être entravées. Le Prince Thibault et la belle Ema, jeune femme noire, esclave en fuite, sont charmants.

Mais la plus agréable découverte, c’est celle des personnages secondaires. D’abord les marins et le capitaine de bateau, puis la cour du pays de Thibaut, sa marâtre, son frère sinistre, son précepteur lumineux, le chambellan (ici, on pense aux Vestiges du jour), les cochers, les boulangers, cuisinières, lingères, aubergistes… tout ce peuple plein d’espoirs et de rumeurs, de traditions et d’intrigues aussi. On n’apprend, comme Ema, que très progressivement, la terrible malédiction qui pèse sur le peuple.

L’autre charme du récit se trouve dans la poésie de la mer, des travaux à bord, du temps qui passe, lentement, et parfois des tempêtes, des monstres marins et des naufrages. On visite le monde autour de Pierre d’Angle, avec ses différents peuples, leurs différentes cultures : les uns sont esclavagistes ou guerriers (on pense beaucoup au Trône de fer), d’autres pas, surtout pas le beau pays de Pierre d’Angle qui apparaît comme un monde paisible et bien gouverné. Puis on visite ce pays de Pierre d’Angle, lors de la tournée qu’effectue Thibault devenu roi, avec la poésie des travaux ordinaires, de paysages contrastées, d’accueils différents selon les hôtes, de repas, de spectacles. Et puis l’hiver vient…

Les 483 pages du roman filent comme le bateau de Thibault pris dans une course contre la montre… trois autres tomes sont prévus.
Sur le site du Rouergue, on peut feuilleter le début.

 

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