De drôles de choses

De drôles de choses
François David / Syvie Serprix
Editions møtus –Collection pommes pirates papillons – 2022

Poétique des objets de tous les jours

Par Michel Driol

Pour accueillir le 25ème Printemps des Poètes

Une trentaine de textes, sobrement intitulés les ballons, les lunettes, le miroir, le pot de moutarde, la pierre ou l’assiette : autant d’objets familiers que François David examine, décrit, évoque. Son regard est à la fois précis, posant le concret des objets (leur forme, leurs qualités, leur matière) mais aussi quelque peu décalé, parce qu’il y a la langue qui vient se superposer aux choses. On n’est pas très loin d’un Ponge qui évoquait le parti pris de choses et le compte tenu des mots… Quel rapport entre les chaussons pour les pieds et les chaussons aux pommes ? Le mur n’est-il pas la moitié d’un mur mur e ? La langue vient, en quelque sorte, conduire à revisiter le monde, et c’est bien là l’un des attributs e la poésie de revisiter le lien entre le signifiant et le signifié…

Pour autant, rien de théorique ou de pesant, de lourd, dans ce recueil plein de finesse et d’astuces, qui joue à surprendre le lecteur en posant un regard neuf sur le monde et la langue. Comme un regard d’enfant qui voit apparaitre des liens là où ne pensait pas en trouver, regard de ce « je » aux contours indécis qui dialogue avec un «vous », la communauté des lecteurs, l’entrainant dans cet univers où, « si les draps deviennent des voiles de bateaux », on n’a plus qu’à « dormir sur la mer ». Univers ludique donc, univers qui fait la part belle à l’imaginaire conçu comme une fabrique d’images reposant sur des jeux de mots qui métamorphosent et animent les objets avec humour. Pour autant, le drame n’est pas loin : soucis que la gomme ne peut pas gommer, vieillissement quand le sac ado se fait trop lourd, poupée qui se met à pleurer par empathie pour sa propriétaire, règle incapable de tracer un cercle… Petits drames de l’enfance pourtant, présents mais vite oubliés dans la dernière phrase qui promet le paradis « pour tout le monde ». Voilà une poésie pour la jeunesse qui résolument tourne le dos à la mièvrerie, ou aux jeux gratuits avec la langue, pour donner à voir différemment le monde qui nous entoure dans sa quotidienneté même, une façon de dire que ce n’est pas le sujet éthéré qui fait la poésie, mais un travail qui conjugue le regard et la langue.  Les illustrations très colorées de Sylvie Serprix, qui jouent elles aussi sur le double sens, la métamorphose, la transformation, en particulier avec un intéressant travail sur les ombres et les reflets, sont aussi une ode au pouvoir de l’imaginaire.

Un beau recueil de poèmes qui sait conjuguer une vision naïve du monde et un usage travaillé de la langue !

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