C’est où qu’on va ?

C’est où qu’on va ?
Cécile Chartre
Rouergue dacodac 2022

Une séparation

Par Michel Driol

Manuel, qui a 9 ans, ne quitte pas son doudou lapin rose, seul objet qu’il possédait lorsqu’il a été abandonné à la porte de l’orphelinat, à sa naissance. Depuis, il vit aux Sapins bleus, avec ses copains Marcus et Gabriel, avec lesquels il n’hésite pas à faire les 400 coups, comme cette bataille de polochons mémorable dans la chambre des filles. Il a aussi une amoureuse, Marga, mais elle est partie il y a 57 jours. Ce matin-là, la surveillante générale réveille Manuel avant les autres, accompagnée de deux adultes, un moustachu et une femme aux gros bras. Mais Manuel résiste et ne veut pas abandonner ce qu’il connait et ceux qu’il aime.

Le roman est écrit à la première personne et raconte le moment de l’adoption du point de vue de l’adopté.  Or le narrateur ne comprend pas ce qui lui arrive, alors que le lecteur, lui, l’aura peut-être compris, selon sa capacité à comprendre les implicites du texte.  La force du roman est d’utiliser une bonne dose d’humour, liée à un personnage sympathique, et assez haut en couleurs, pour mettre à distance une trop forte émotion qui affleure pourtant. Emotion liée au départ, émotion liée à ce temps fort, émotion liée à cette séparation d’avec tout ce qui a fait sa vie d’avant. Deux personnages d’adulte sont présentés. L’un, Diego, le surveillant préféré, plein de bienveillance. L’autre, Apolina, qui cache ses sentiments pour les enfants sous une forme de rudesse, mais dont Manuel raconte comment elle a connu un immense chagrin d’amour. Tout se passe entre le lever de Manuel et le départ de l’orphelinat avec une mère adoptive, mais, au cours de ce temps bref, par de nombreux retours en arrière, Manuel raconte toute sa vie depuis l’arrivée aux Sapins bleus. C’est une belle construction narrative, qui, dans un espace-temps restreint permet de revoir ce qu’était le quotidien, l’intimité du narrateur dans cet orphelinat qu’on imagine situé dans un pays d’Amérique latine. Pas de rebondissement dans cette histoire d’une grande force et d’une grande simplicité qui se termine sur un beau geste symbolique de Manuel, ouvrant la voie à une nouvelle vie, bien meilleure sans doute que tout ce qu’il a pu connaitre jusqu’alors.

Un roman plein d’empathie pour son héros, qui ose aborder un sujet original sans pathétique, sans misérabilisme, mais avec une grande humanité.

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