C’est grand comment l’amour ?

C’est grand comment l’amour ?
Zeno Sworder
Traduit (anglais, Australie) par Céline Delavaux
Seuil jeunesse, 2023

Hymne à l’amour parental

Par Anne-Marie Mercier

À la question du titre, l’album répond de manière assez conventionnelle : l’amour, ici celui des parents pour leur enfant, est infini. Mais la manière de traiter le sujet est originale, aussi bien par le texte que par les images qui le prennent au pied de la lettre. Le titre original résume mieux l’intrigue qui soutient cette question : « My Strange shrinking parents ».
Au centre de l’histoire, il y a la notion d’un écart entre la pauvreté financière et la richesse de l’amour. Pour illustrer cela, l’auteur-illustrateur utilise une métaphore : les parents de l’enfant rétrécissent au fur et à mesure qu’il grandit, afin de pouvoir satisfaire ses besoins. Ils donnent un peu de leur taille au boulanger pour le gâteau d’anniversaire, au directeur d’école (huit centimètres par an), etc., ce qui les amène progressivement à une taille minuscule. Claude Ponti avait déjà utilisé ce procédé pour illustrer la vie difficile de certains parents (Schmélele ou l’Eugénie des larmes), usés par le travail au point de rétrécir puis disparaitre.
Les images montrent ce processus, lent d’abord, puis de plus en plus visible, de manière adoucie. L’estompage des couleurs, les points de vue variés, le rythme qui mêle petites vignettes carrées et grandes doubles pages, séparant ainsi étapes principales et répétition du même processus, la beauté du dessin et des personnages, toujours souriants ou presque, illustre leur courage et leur stoïcisme. L’attention aux objets, aux décors et la présence de la nature en toutes saisons en font aussi un bel espace de contemplation. L’auteur rend hommage à ses modèles : Hokusai et Hiroshige, Oscar Wilde, Sheil Silverstein [L’Arbre généreux] et Stan Sakai [Usagi Yojimbo ]  : « au cours de ma vie, leurs images et leurs mots m’ont aidé à me perdre et à me retrouver » – on aimerait ajouter Chris van Allsburg.
Le ton de la narration est tendre, parfois amusé : il y a des avantages à avoir des parents petits ; quand ils sont vieux on peut les installer dans une maison de poupée. Mais il est parfois cruel ; l’enfant est moqué par ses camarades et pour cela, sa mère doit lui répéter qu’ils sont comme les autres parents, que leur amour est tout aussi grand.
Cet album est un superbe hommage aux parents immigrés qui prennent tous les risques et sont prêts à tous les sacrifices pour faire vivre leur enfant dans un monde où il pourra grandir et étudier. Les pages de garde présentant des modèles de théières issus de différentes cultures comme le texte final ouvrent la perspective à tous les immigrés, de tous les continents. C’est aussi un beau regard sur la vie de ces enfants incarnés par le narrateur et l’évolution des rapports familiaux. Et surtout c’est un superbe album, par son texte et par ses images aussi bien que par l’interaction entre les deux éléments.

 

 

 

 

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