Frankenstein
Mary Shelley
Traduit (anglais) par Marie Darrieussecq
Monsieur Toussaint Louverture, 2025
Renaissance d’un classique
Par Anne-Marie Mercier
Halloween approche. Que diriez-vous de lire une histoire horrifique : « Une histoire qui renverrait aux peurs mystérieuses de notre nature et éveillerait une horreur exaltante – une histoire qui ferait craindre au lecteur de regarder autour de lui, qui glacerait le sang, et accélèrerait les battements du cœur » ?
C’est ainsi que la présente son auteure dans l’introduction au roman. Elle y raconte les circonstances de l’invention de cette histoire qui a marqué les esprits et initié un genre littéraire (fantastique articulant spéculations sur la science, crainte des mutants et terreurs liées à l’abolition des frontières entre morts et vivants). Défi lancé par des amis (les poètes Shelley, Byron, Polidori et elle-même, âgée de 18 ans), ce roman devenu mythe est aussi né d’un rêve dans lequel les personnages et un paysage se sont imposés.
Magnifique roman, il commence dans les glaces au nord de la Russie, avec le récit du sauvetage d’un homme presque mort de froid alors qu’il poursuivait un autre homme, qu’il appelle le « démon ». Il raconte sa vie à celui qui l’a sauvé : enfance heureuse, vocation scientifique, affections… le tableau est idyllique, mais très vite le drame se noue, avec la création de son monstre, la fuite de celui-ci, la découverte de sa dangerosité avec l’assassinat d’un enfant.
Le monstre du roman retrouve son créateur bien plus tard, à Chamonix. Tout sauvage qu’il est, il est éloquent lorsqu’il et prend la parole à son tour et lui demande de l’aide : « la détresse a fait de moi un démon ». Sa confession occupe les chapitres centraux. Il lui raconte son nouvel éveil à la vie, tel un enfant sauvage qui découvre tout (héritage du XVIIIe siècle), ses progrès, sa découverte du langage humain, puis ses lectures (Les Ruines, Werther, Le Parardis perdu…), sa solitude, ses tentatives pour trouver de l’affection. Il explique enfin son meurtre et lui fait une demande pour éviter de recommencer : que Frankenstein crée une femme à son image pour qu’il puisse avoir une compagne qui l’accepte tel qu’il est… Ceux qui ont lu le roman se souviennent peut-être de la suite et de l’histoire d’Elisabeth, fiancée de Frankenstein. Les autres la découvriront avec effroi et délices.
La traduction de Marie Darrieussecq a le mérite de garder le ton un peu cérémonieux de certains monologues et de traduire d’autres propos dans un langage plus ordinaire, notamment les paroles du monstre. La lecture du texte en est belle et variée, très rythmée, avec un suspens quasi permanent. Cela reste aussi un roman gothique avec toute sa charge de pathétique. Voyages, rencontres, récits alternés, évocation de paysages sublimes, émotions portées au paroxysme, infinie tristesse, tout ce qui a fait la célébrité de ce texte reste bien vivant. La belle présentation des éditions de Monsieur Toussaint Louverture, couverture cartonnée et toilée, illustration aux teintes sombres mettant en valeur la blancheur des chairs.