Conquise

Conquise
Ally Condie
traduit (américain) par Vanessa Rubio-Barreau
Gallimard jeunesse (grand format), 2013

Conquête de la maturité ou refus de l’utopie ?

Par Anne-Marie Mercier

conquiseAprès Promise, au sujet duquel je me demandais si la dystopie était un genre réactionnaire, Insoumise, qui proposait de beaux cas de manipulations, voici le dernier volet, Conquise. Il n’a pas le défaut du précédent (un peu trop de sentimentalisme ressassé) et a le mérite de trancher enfin dans le vif des hésitations du personnage principal, de faire des omelettes en cassant quelques œufs, enfin de montrer que les héros ont grandi et sont passés d’une adolescence rose à un âge adulte durement gagné. C’est en ce sens qu’il faut comprendre le titre, un peu trompeur.

promiseLes différentes intrigues se rejoignent, le monde se complique, c’est passionnant et cette trilogie, portée par la poésie de Dylan Thomas et d’Emily Dickinson, est attachante. Les trois couvertures sont parfaites et illustrent (comme celles de Twilight) l’effort des éditeurs pour faire du sériel même en images. Sur la dernière, l’héroïne enfin libérée de sa bulle, nous tourne le dos et semble prête pour d’autres aventures.

Il semble que le traitement actuel des utopies (voir l’excellent dossier de la revue Europe sur ce sujet) se confirme ici : l’utopie est à la fois « porteuse d’espoir et désenchanteresse » (J. Berchtold), notre temps souffre d’un « déficit d’avenir » (B. Baczko). Dans le roman pour adolescents, toute société quelque peu organisée est vue comme une entrave aux libertés (à consommer comme à se cultiver, ce qui brouille uinsoumisen peu les pistes idéologiques) et toute rébellion est suspectée d’être téléguidée par des personnes en place, ou d’être récupérée. Il n’y a pas d’avenir radieux ; le triomphe d’un camp sur l’autre est le gage d’une redistribution des cartes qui n’est que partielle et temporaire. Le désenchantement est la règle. Cette littérature pour adolescents remplit une fonction critique, mais se refuse à dire que d’autres mondes sont possibles, aussi bien dans la fiction que dans la réalité.

Insoumise

Insoumise
Ally Condie
Traduit (anglais –USA) par Vanessa Rubio-Barreau
Gallimard Jeunesse, 2012

La Belle se rebelle

par Anne-Marie Mercier

Après Promise, Insoumise ; les deux couvertures des premier et deuxième tomes se répondent aussi joliment que les titres. Et ce deuxième volume remplit en partie les promesses du précédent : l’histoire d’amour (l’héroïne hésite entre deux garçons), l’aventure (ici, survie dans un monde inconnu et hostile), la lutte contre l’oppression, tout cela se poursuit également, avec un retournement final qui nous rappelle l’interrogation du premier volume (qui manipule qui ?) et qui maintient le suspens.

Malgré cela, il y a quelques longueurs et l’évocation réitérée des sentiments de l’héroïne finit par lasser : répéter n’est pas approfondir mais ressasser. Certes, un personnage peut ressasser, mais en ce cas, il faut un grand art pour maintenir l’intérêt.