L’arc-en-ciel

L’arc-en-ciel
Salvatore Gregorietti
(Les Grandes Personnes) 2025

Du gris à la couleur

Par Michel Driol

Une petite boite grise à l’intérieur de laquelle vit un arc-en-ciel. Timidement, il ose petit à petit sortir, mais la nuit l’effraie, et il rentre dans sa boite. Sortant à nouveau, il voit ses couleurs dispersées par un coup de vent. Quand arrive la pluie, retour à la petite boite. Mais quand vient le soleil, il sort en majesté !

(Les Grandes Personnes) rééditent un ouvrage datant de 1974, seule œuvre pour la jeunesse d’un graphiste et designer italien. Son arc-en-ciel propose un graphisme minimaliste et très géométrique, reposant sur des oppositions. Oppositions formelles entre le carré de la boite et les courbes de l’arc en ciel, entre le gris et les couleurs. Oppositions aussi entre le caché et le montré, entre le jour et la nuit, entre la pluie et le soleil. Le texte, très simple, prend les allures du conte avec son incipit traditionnel pour surtout commenter les aspects psychologiques du comportement de l’arc en ciel : timidement, effrayé, courage… jusqu’au heureux final. L’ensemble est avant tout très visuel et permet aux plus petits de comprendre aisément l’histoire et le message qu’elle véhicule. Il faut oser sortir de sa coquille, de sa zone de confort, pour s’épanouir et révéler au monde qui on est vraiment, à l’instar de cet arc-en-ciel.

Un album tout carton, à la fois conceptuel et explicite, dont les symboles sont faciles à décoder par les tout petits, mais qu’ils auront tout loisir à interpréter peut-être de différentes façons.

Chaton pâle et les insupportables petits messieurs

Chaton pâle et les insupportables petits messieurs
Gaëlle Duhazé
HongFei 2016

Délivrez moi de mes angoisses…

Par Michel Driol

Chaton pâle vit dans sa maison à l’orée du bois : il sort peu de chez lui – d’où sa pâleur – et il passe son temps à faire le ménage, cuisiner, nettoyer et lire. Chaque fois qu’il voudrait sortir de chez lui surgissent les insupportables Petits Messieurs qui n’aiment que la routine et adorent critiquer, le mettent en garde contre tous les dangers qui ne manqueront pas de survenir s’il entreprend quelque chose d’important. Jusqu’au jour où Grand-Mère Chat du Pissenlit fait irruption sur sa corneille géante qui se blesse en atterrissant. Malgré les mises en garde des Petits Messieurs, Chaton Pâle les accueille et Grand-mère Chat entraine Chaton Pâle dans la forêt tandis que les voix des Petits Messieurs se font de moins en moins entendre. Après le départ de Grand-Mère Chat, les Petits Messieurs déménagent, Chaton Pâle, qui fait désormais ce qui lui tient à cœur, devient Chat au Pelage de Vent.

La question des angoisses et de la confiance en soi est ici abordée de manière imagée. D’abord en mettant en texte et en images le dialogue intérieur entre l’individu – le Chaton, dont le nom seul est un appel à la protection et à la tendresse – et ses angoisses, personnalisées sous la forme des Insupportables Petits Messieurs. Et le contraste graphique est saisissant entre Chaton Pâle,  goutte au nez et mouchoir à la main,  aux grands yeux vides et ces créatures  monstrueuses, mi humaines, mi bêtes, menaçantes, agressives, envahissant tout l’espace de la page et du logement du chaton, donnant des conseils sans bienveillance aucune. L’album emprunte à la fois aux codes du roman (importance de certaines pages de texte) , de l’album (pages foisonnant de détails avec des teintes douces) et de la bande dessinée (présence de plusieurs vignettes sur la même page, bulles permettant de faire entendre les voix des Petits Messieurs ou de Grand-Mère), ce qui diversifie et renforce le dynamisme de la narration. Par ailleurs, l’émancipation du chaton va de pair avec  sa représentation de plus en plus grande dans l’espace graphique.

Grandir, c’est se libérer de ses obsessions, de ses peurs, de ses angoisses, avec l’aide d’un autre bienveillant qui aide à s’ouvrir au monde : voilà ce qu’illustre – non sans humour – ce bel album.