Voisins zinzins et autres histoires de mon immeuble
Piret Raud
Rouergue 2015
La vie mode d’emploi, façon estonienne
Par Michel Driol
Taavi, le narrateur, vit avec sa mère dans un appartement au 3ème étage d’un grand immeuble. En une trentaine de chapitres courts, indépendants les uns des autres, il présente ses voisins, ses amis, les objets qui l’entourent. Uku qui rêve de devenir chien, Roosi-mai, aux cheveux si longs qu’ils ont fait tomber un avion, Mme Crocodile qui mord son mari et qu’on enferme au zoo, ou le réfrigérateur qui s’échauffe lorsqu’il pique une colère… L‘ensemble de ces textes entraine hommes, animaux et objets dans une ronde où affleure l’absurde, et donne à lire un monde merveilleux, parfois tragique, mais toujours comique et plein de saveur.
La première histoire pose un cadre, géographique et humain, mais aussi philosophique : Maman dit que dans chaque personne il y a quelque chose de beau qui se cache et qu’il suffit de le chercher. Alors je cherche, et il m’arrive de trouver. Le dernier chapitre le clôt, avec cette histoire de dame qui inspire le monde entier dans son nez, au point de le faire disparaitre, avant l’au revoir du narrateur, prêt à trouver une solution avec les plus grandes intelligences du monde, sa mère, lui, et tous leurs amis… Les différents récits ont la même structure : après un début de plain-pied avec la réalité, on décolle vers le fantastique et l’imaginaire, avant de revenir au réel, et à la leçon de vie et d’humanité que le narrateur, du haut de ses quelques années, en tire, ce qui confirme souvent la vision de la mère
Les personnages – à commencer par le narrateur et sa mère – sont attachants et emplis de bienveillance et de chaleur humaine. Peut-être certains ont-ils ce que l’on pourrait appeler un grain de folie, une manie, un zeste d’originalité. Mais c’est ce qui fait leur charme, et l’enjeu est de parvenir à les accepter tels quels, sans toutefois tomber dans le même travers. On regrette que la traduction du titre mette trop l’accent sur cet aspect-là du livre (Voisins zinzins, comme un écho commercial à d’autres titres L’Alphabet zinzin, Magasin zinzin). Le titre original annonce, plus sobrement, et plus justement Moi, Maman et un de nos amis, laissant plus de liberté au lecteur pour interpréter ces récits et ces personnages.
Un livre qui séduira autant par son côté comique et merveilleux que par son invitation à s’ouvrir aux autres et à oublier ses préjugés.